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Tengi Trinité Trip

En octobre 2019, Symon Welfringer accompagné du Suisse Silvan Schüpbach ont réussi l'ascension d'une nouvelle voie mixte sur la face ouest du Tengi Ragi Tau situé au Népal. Trois jours d'ascensions ont été nécessaires pour venir à bout des 1500 mètres de "Trinité". Une goulotte rectiligne et technique (M6/AI5) qui sort au sommet nord à près de 6 820 mètres.

23 Avril 2020

Alpinisme

L'équipe de "Trinité".

 

Faux départ 

C’est aux cotés de mon ami Charles Noirot que je m’envole vers Katmandu, nous rejoignons là bas le troisième membre de notre expédition, Silvan Schupbach.
Le 8 octobre, nous établissons notre camp de base à côté du Trakarding Glacier, à 4700 m d’altitude. Alors que nous nous acclimatons encore, nous observons la première ascension de la face ouest du Tengi Ragi Tau par Tino Villanueva et Alan Rousseau, arrivés sur place avant nous, leur troisième tentative fut la bonne avec à la clé, l’ouverture d’une magnifique ligne en neige qui raye toute la face ouest. De notre côté, cet événement ne change en rien nos objectifs et nos motivations car la ligne que nous convoitons se situe plus à gauche : une goulotte presque rectiligne qui sortirait au sommet Nord, à priori vierge. Cette ligne semble moins longue mais bien plus technique sur la partie haute de la face. 

Après nos trois premières journées d’acclimatation, le moral est au beau fixe, la météo est exceptionnelle, les conditions semblent excellentes et nos organismes s’habituent bien à l’altitude. Mais ce soir là, entassés à trois dans notre petite tente d’assaut, l’état de Charles se dégrade. Il a de plus en plus de fièvre mêlé à des hallucinations. Des hématomes sont apparus sur son corps. Il est temps pour lui de redescendre dans la vallée et rapidement ! Sa bonne étoile cette fois-ci c'est Migma, un porteur Népalais qui le portera dans son panier jusqu'à son village dans la vallée à quelques 6 heures de marche
Il sera recueilli dans une famille Tibétaine pendant plus d’une semaine, le temps pour lui de se remettre sur pieds.   

De notre côté avec Silvan, nous prenons la décision de quitter le camp de base pour une première tentative mais nous devons battre en retraite dès le début de la face à cause du vent et de la neige. Les prévisions nous poussent à décaler notre tentative, c’est donc sans regret que nous rentrons au camp de base en espérant avoir des nouvelles de Charly, mais celui-ci n’est toujours pas rentré de la vallée. 

 

Marche d'approche: l'occasion de méditer dans un paysage grandiose. 

 

Une ligne technique et esthétique

Après quelques jours de repos, un nouveau créneau météo se dessine. L’heure du deuxième assaut a sonné. Concours de circonstances, Charles est arrivé au même moment que nous sommes partis du camp. Inenvisageable pour lui encore de prendre part à l’ascension. Le simple fait de se déplacer jusqu’à la tente messe pour manger s’apparente encore pour lui à un ultra trail.

Nous démarrons sans préambule par deux longueurs de glace raide, suivies de pentes de neige et glace jusqu’à 60 degrés. Nous visons une petite vire à 6100m pour établir le premier camp. Toute la journée, le vent et les spindrifts s’écoulent en continu depuis le haut de la face et c’est déjà bien fatigués que nous arrivons au premier bivouac. L’effet de l’altitude vient s’ajouter au poids de nos sacs qui rendent chaque mouvements plus difficiles. 
Plus nous avançons plus la face se redresse, les longueurs deviennent de plus en plus techniques. La plupart du temps, le leader grimpe sans sac et le hisse ensuite, le second avance ensuite au plus vite. Nous échangeons très peu de mots, quelques impressions sur nos choix d’itinéraire, nous profitons peu du paysage incroyable qui s’offre à nous. 

Vers 6450m, nous sommes en plein coeur des difficultés, la nuit arrive à grand pas et nous ne devinons aucun emplacement de bivouac éventuel, l’idée de renoncer me traverse l’esprit. La bonne étoile, celle qui te protège et qui survient toujours dans les moments où tu n'espères plus rien, notre bonne étoile à nous, c’est cette longueur très technique en M5/M6 qui nous permettra d'accéder à l’emplacement de bivouac tant convoité.
Le lendemain, la tente et les duvets restent sur place et nous progressons le plus léger et rapide possible. Le crux de la voie nous attend en guise d’échauffement pour ce troisième jour. De la glace raide, du mixte technique et des ice flutes vont nous emmener jusqu’au sommet, à 6820m selon l’altimètre.

 

Le style alpin morderne: de l'escalade mixte et technique en altitude.

 

De la joie dans la souffrance 

Il est 15h45, nous sommes le 28 octobre 2019, Silvan et moi sommes en apesanteur entre joie et souffrance. Cela fait maintenant presque 1h que nous foulons ce sommet jusqu’alors vierge, après s’être chaleureusement congratulé, mais il faut vite penser à la descente. A 6820m, après quatre journées d’escalade, notre corps commence à réagir différemment aux messages nerveux de notre cerveau. Nous envisageons une descente en rappel par le même itinéraire que nous avons emprunté à la montée. Après quelques mésaventures, nous sommes de retour au niveau du second bivouac à la lueur des lampes frontales.

Le quatrième jour se passe pendus dans les baudriers, 40 rappels pour descendre ce petit monstre de 1500m. Mes cris de joie sur la marche de retour réveille Charles au camp de base qui peut enfin se relâcher et laisser place à l’euphorie en me serrant dans ses bras. 

 

Quelques instants forts au sommet du Tengi Ragi Tau à 6820 mètres.

 

Trinité : 1400m d’acharnement et 100m de bonheur. Résumer notre voie de la sorte peut sembler réducteur mais lorsqu’on fait le bilan d’une ouverture en style alpin à ces altitudes, il faut avouer que la sensation de plaisir est souvent bien enfouie sous nos multiples couches de vêtements. 

 

Récit : Symon Welfringer

Photos : Symon Welfringer / Charles Noirot / Silvan Schupbach

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