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Pandra, un usage de la montagne

Mathieu Détrie, Pierre Labbre et Benjamin Védrines reviennent du Népal avec une ascension réussie au Pandra (6 700m). Dans la face Nord-Est de ce sommet reculé, le trio de guides ouvre une ligne technique mixant goulotte et placages (WI6, M6, ED, 1 200m).

13 Mars 2018

Alpinisme

Lorsqu’on arrive à Taplejung, on mesure bien le mal de dos dû au trajet en bus mais pas l'étendue qui nous sépare encore du fond du massif. C’est l’occasion de découvrir le piémont de l'Himalaya en commençant par les rizières et en finissant à la frontière du Tibet. Déjà nous sommes surpris par l’emplacement improbable de certaines habitations, isolées au milieu de la jungle, perdues au-dessus de versants raides et inhospitaliers. Pourtant la région se développe et il y a même un projet de route vers la Chine (comme partout au Népal) dans la vallée située à l’Ouest de la région du Kangchenjunga.

Nous arrivons en jeep par une piste chaotique à Tiwa, l'occasion pour notre chauffeur de découvrir la piste, peut être bien que s’il avait su ce qu'il l’attendait, il aurait préféré ménager sa voiture…

© Petzl / Expedition Pandra

Nous voulons atteindre Ghunza en deux jours car nous pouvons y commencer l’acclimatation. Deux longues journées dans la jungle sur des sentiers qui nous semblent illogiques tant ils remontent pour descendre aussitôt après. Et pourtant c’est difficile de faire mieux avec ces versants humides, raides, où les éboulements sont fréquents et les moyens sommaires. Le temps reste bien nuageux, nous empêchant de voir les montagnes, qui de toute façon ne se dévoileront que vers Kambachen.

© Petzl / Expedition Pandra

A cette saison, Ghunza est un îlot de confort, non seulement parce que la vallée s’élargie et que son altitude (3 400m) se situe entre les sangsues et le froid, mais aussi car on y trouve des lodges impeccables dont il faut profiter avant la suite du voyage. Le tenancier s’est complètement adapté à son métier de commerçant ici. Le confort est peut être bien ici le pendant des négociations difficiles en France… Plus loin et plus haut, sur Kambachen et Lhonak, nous voyons les arbres disparaître au profit des glaciers, de l'herbe et des moraines. Nous avons pris un peu d’avance grâce à l'utilisation des transporteurs locaux, les yacks, qui portent nos bagages pour nous faciliter l'acclimatation et le repérage d'emplacement pour le camp de base. Nous avions espéré nous baser à vue de notre objectif mais nous nous résignions finalement à nous installer comme nos prédécesseurs (les japonais…) sur la moraines du glacier Lhonak, dont nous boirons l'eau poussiéreuse, à 5 130 m. L’avantage du terrassement déjà effectué et compensé par l’éloignement de la face et l’impossibilité de l’observer.

© Petzl / Expedition Pandra

En expédition, il faut aimer les moraines, sinon chaque approche devient un calvaire. Je n’aime pas les moraines et leur blocs mouvant, surtout lorsque l'on a un sac lourd. Mais en se mettant dans un état de torpeur proche de l'hypnose, et en se ménageant des pauses stratégiques on parvient toujours à destination.

Le camp avancé fait face à la Face Est du Pandra, tous les deux séparés par un dernier glacier. Nous pouvons enfin observer aux jumelles cette paroi qui n’a été tentée qu’une fois par son bord droit l’année dernière. Nous avons donc deux bonnes nouvelles : la Face Est en conditions et nous pourrons nous acclimater facilement au-dessus du camp avancé sur un sommet particulièrement sec. C’est sans doute la première fois que nous montons en basket à 6 000 m, le Tibet est bien proche et le Kangchenjunga doit bloquer certaines perturbations. Après cette acclimatation-observation nous rentrons au camp de base, le temps de nous reposer et de laisser passer un épisode neigeux.

Un créneau météo bien stable se dessine et nous voilà reparti sur nos moraines. Nous décidons d'attaquer l'ascension à proprement dite quand la Face passe à l'ombre, ce qui nous laisse le temps de traverser le dernier glacier tôt le matin.

C’est vraiment une fois au pied du mur que nous décidons d'emprunter le départ direct car la glace à l’air consistante. Effectivement l’orientation Nord-Est de la voie nous offre cette année de bonnes conditions : ce qu’il faut de glace et pas trop de neige. Après la première longueur technique et un couloir moins raide un placage qui semblait débonnaire se révèle bien plus raide que prévu. Comme à chaque fois au Népal les rochers qui paraissent verticaux sont en fait déversant ce qui altère notre appréciations des inclinaisons. Un autre ressaut de glace et nous voilà au premier emplacement possible de bivouac. Il nous faut bien deux heures pour terrasser une vire pour la tente mais seulement pour deux : le troisième sera allongé plus loin.

© Petzl / Expedition Pandra

Le soleil du matin sèche un peu les duvets, le temps pour Mathieu de se préparer pour un placage qui nous semblait d’en bas bien fin.
Il hésite beaucoup, nous hésitons aussi à l'encourager pour ne pas le pousser à l'erreur mais en cassant la glace il finit par trouver une fissure, met un friend et ose repartir sur les trois centimètres de glace jusqu'à une goulotte aussi belle que rassurante. Les goulottes suivantes sont tout aussi belles et lorsque Ben prend la relève, il ne sait pas encore ce qui l'attend. Car la suite encore une fois plus semble classique mais ne l'est pas : un passage mixte avec un rétablissement sur neige raide et pas très bonne, vraiment délicat lui prend du temps. Cela nous rend hésitant pour la suite qui paraît encore plus raide. Ben tire ensuite tout droit vers le bivouac situé sous une barre surplombante et nous réjouis par un final type "jeté de tête en avant dans la neige et les pieds dans la semoule". Ce bivouac est une bonne nouvelle : une belle terrasse protégée par un toit, où nous pouvons se décorder sans problème et apprécier la vue sur le Tibet.

© Petzl / Expedition Pandra

 

© Petzl / Expedition Pandra

Une rampe de glace permet de contourner la barre du bivouac, des iceflûts mènent ensuite sur un amphithéâtre où heureusement nous nous mettons d’accord sur un passage possible. Le rocher est mauvais mais on trouve de la glace pour se protéger. Il faut cependant bien viser avec les broches sous peine de buter dans du rocher pourri. Toutes les parties rocheuses apparentes sont déversantes mais en louvoyant sous des blocs j’arrive à un rétablissement scabreux qui mène à une nouvelle zone glaciaire. Le décor surprenant de ces profondes goulottes rappelle la partie supérieure du Cerro Torre. Du début à la fin cette ligne nous aura réjouis par sa beauté. Ben trouve vite un cheminement dans ce labyrinthe et après un rétablissement sur de la neige inconsistante, il élabore un relais douteux sur un corps morts dans l’énorme plaque à vent terminale. 

© Petzl / Expedition Pandra

Le Kangchenjunga et le Jannu se dévoilent enfin, il fait étonnamment beau et chaud, nous sommes sur un sommet au bout du monde, surpris d’avoir si peu souffert, et nous réalisons toutes les bonnes raisons qui nous poussent à grimper sur les montagnes .

Au final , "Peine Plancher" sur le Pandra (6 700m), ED, WI6, M6

Article par Pierre Labbre

© Petzl / Expedition Pandra

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