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Donglan 2016, Retour de Chine pour les Hommes des Cavernes

Parrainée par la Fédération Française de Spéléologie et conduite par Olivier Testa, du Team Petzl France, Donglan 2016 est une expédition spéléologique qui se situe à cheval sur 3 plateaux à pitons karstiques typiques du Guangxi (Donglan 东兰县, Hechi 河池市 et Guangxi 广西壮族自治区). Sur ces plateaux de 300, 600 et 2200km2 respectivement, aucun cours d’eau ne coule en surface, dans cette région tropicale... En 3 semaines, l'équipe a ramené 21km de galeries topographiées, de belles photos, mais il reste encore de nombreuses questions non-résolues qui leur donnent l'envie de repartir !

6 Avril 2016

Spéléologie

Petzl © Olivier Testa / Serge Caillault

Galerie Lanmudong

La Chine, pays de la démesure, nous a une fois de plus surpris.

Invités pour une toute première reconnaissance du potentiel spéléologique du conté de Donglan, une bourgade de la région autonome Zhuang du Guangxi, nous retrouvons sur place Jean Bottazzi, plus chinois que jamais, et les spéléos de la Guangxi Blackhole Team. La traditionnelle cérémonie d'accueil en grande pompe terminée, nous voici, très rapidement, sur le terrain, guidés vers des entrées de grottes pré-identifiées. Là-bas, les entrées font plusieurs dizaines de mètres de large et/ou de haut, on les voit de loin.

Petzl © Olivier Testa / Serge Caillault

Longkun Tiankeng

La grotte de Lanmu 兰木乡排洪洞

Ce jour-là, Serge, Annie, Xue Lian, et moi (plus un représentant des autorités, une journaliste, un caméraman, trois guides, deux spéléos chinois,...) partons pour la grotte de Lanmu (prononcer « L'âne mou »), un des lieux que, nous dit-on, il faut absolument explorer.

Il s'agit d'une perte dans laquelle s'engouffre en saison des pluies la rivière qui draine le poljé. Après une entrée "légèrement" élargie artificiellement, la cavité prend assez rapidement des dimensions géantes. Un tube de 50m de diamètre, dans lequel sont jonchés, épars, quelques galets décamétriques, des remplissages de sédiments formant de véritables murs de glaise, le tout recouvert par des stalagmites massives de 10 à 20m de hauteur. Tout ceci serait parfaitement infranchissable s'il n'y avait pas, déjà, une piste aménagée dans la grotte. 

Petzl © Olivier Testa / Serge Caillault

Une piste ? Oui ! Plusieurs générations de pilleurs de stalagmites se sont en effet relayés pour exploiter et couper les concrétions pour les revendre au marché noir. Eh oui, nous ne faisons pas de la première dans cette grotte sublime ! Au sol, les traces de leurs passages répétés. Des milliers de concrétions ont du être extraites de cette cavité. Il ne reste que les plus grosses, intransportables. Dommage, mais cela n'arrête pas notre fougue. Progresser dans une grotte aussi imposante est grisant. On ne sait quand cela va s'arrêter. Nous franchissons un tas de graviers avec peine (70m de hauteur, le tas !), pour devoir redescendre de l'autre côté. Marcher en vire, proche du plafond de ce méga-tube, pour constater avec effroi que le plafond est tapissé de déchets végétaux. Une crue… Ou bien passer dans un siphon désamorçé de 5m de diamètre, colmaté d'argile. De l'autre côté, chaque gour pourrait servir de baignoire à une famille nombreuse… 
Et cette galerie qui n'en finit pas. Ou presque. Au terme de nos séances topo interminables dans la cavité, et en comptant l'explo depuis la résurgence, en remontant, le réseau fait une dizaine de kilomètres. Et ça continue !

Petzl © Olivier Testa / Serge Caillault

Colonne au Lanmudong

Le Tiankeng des Frères Dragons 龙昆天坑

Quelques jours plus tard, le soir, à table, un des responsables du conté nous annonce un changement de plan. Yeux écarquillés, nous écoutons notre traductrice Johanna : "Il faut absolument que nous vous emmenions voir ça. Il y a un tiankeng, totalement inaccessible, et personne n'a jamais réussi à atteindre le fond. Il s'appelle le Tiankeng des Frères Dragon. Nous avons essayé de descendre, envoyé un câble relié à un treuil, mais après avoir déroulé 400m, le câble était trop court."
Un Tiankeng ? Ca devient sérieux ! Les Tiankengs sont ces gouffres géants typiques du Guangxi, des dolines d'effondrement aux parois verticales, de plus de 100m de diamètre et 100m de profondeur. Autour de la table, les discussions fusent. Qui y va ? Tout le monde, pardi ! Sauf Jean qui a d'autres plans

Petzl © Olivier Testa / Serge Caillault

Accès au Longkun Tiankeng

Après une nuit pleine de rêves de profondeurs, nous préparons tout le matériel : pour l'équipement, 3 sherpas bien remplis : 500m de corde, sangle légère, perfo et 6 accus de rechange. Pour la topo, un compas et un télémètre laser grande distance. Et pour la motivation, rien à rajouter, on est à bloc !

Après une petite heure de trajet, nous voici au déversoir de la doline. Vaste et évasée, on ne distingue pas le fond de cet énorme entonnoir. Le diamètre au sommet fait plus de 300m dans sa grande largeur et tout le pourtour est occupé par une végétation intouchée : la pente, si raide, empêche la culture et les populations Zhuang n'y descendent pas.

Petzl © Olivier Testa / Serge Caillault

Galerie Lanmudong

Fabien part en tête avec Dany. Ils commencent l'équipement de ce gouffre sur des arbres. Olivier lève la topographie du site, Serge fait des photos, et Chen Lixin suit l'équipée, caméra au poing. Nous sommes rôdés. La végétation change radicalement au fur et à mesure que l'on descend. Nous sommes en plein hiver, et alors qu'au sommet, les arbres sont dépourvus de feuilles et la terre est nue, le milieu relativement humide et chaud du tiankeng conserve une végétation ombrophile abondante, luxuriante, et fait apparaître des fougères arborescentes, des orchidées et des aracées en pleine floraison. Pour les orchidées, il y a un débat –qui continue encore à ce jour - entre les membres de l'équipe.
D'arbre en arbre, accrochés à la corde (c'est l'année du Singe), nous descendons vers le fond du gouffre. Il faut veiller à se décaler, car il y a régulièrement des rochers qui déboulent du sommet, projectiles lancés à pleine vitesse dont le choc serait fatal. Plusieurs heures de bataille dans cette forêt suspendue et 150 m plus bas, on commence à distinguer le fond. Le télémètre indique encore plus de cent mètres lorsque les parois se verticalisent. Il reste un dernier jet de corde, en fil d'araignée avant de fouler le sol du fond du gouffre. Enfin !

Petzl © Olivier Testa / Serge Caillault

Plateaux à pitons karstiques typiques du Guangxi

On se sent vraiment petit. Et l'acoustique de ce gouffre étonne. Une végétation désordonnée pousse. Même à 300m de profondeur, il n'est nul besoin d'allumer son Ultra, et nous partons en exploration. Vers l'aval, la galerie semble se poursuivre. Le sol a une texture toute particulière, c'est une couche de poussière de 50cm d'épaisseur. Dany est déjà parti devant. Fabien longe la paroi de droite, moi celle de gauche. Vu l'heure avancée, Serge et Chen Lixin ont fait demi-tour. Tandis que l'obscurité se fait dans la cavité, progressivement le concrétionnement se fait plus abondant. Au sommet d'un balcon stalagmitique, je trouve le squelette d'un petit primate. Peut-être un cercopithèque. Tombé au fond de ce gouffre, il s'est fracturé le fémur, a guéri et y est finalement mort de vieillesse. Comme me le dira Fabien plus tard, heureusement qu'on vient d'entrer dans l'année du Singe, imagine si ça avait été l'année du Dragon ! 

Je rejoins mes deux comparses, ils me disent que la galerie s'arrête brutalement, et qu'il y a un siphon. Un probable regard sur le réseau, noyé celui-là, qui coule sous l'ensemble du massif. Au dessus du siphon, il faudrait faire une escalade d'une vingtaine de mètres sur une volumineuse stalagmite pour rejoindre ce qui semble être, vu de tout en bas, un étage fossile. Il est tard et le jour commence à tomber. Nous finalisons le levé de la topographie, et commençons le retour, car il y a plusieurs centaines de mètres à remonter. 

Et pour finir

Accéder à ces lieux envoûtants que sont les grottes, poser un pied dans ces endroits inaccessibles, observer et rapporter un témoignage, des informations, des données de ces gouffres vertigineux : ceci est le fondement de la spéléologie, et la Chine nous offre d'extraordinaires possibilités de découvertes. Vivement la prochaine expé !

Donglan 2016 les Participants de l'expédition

* Hommes des Cavernes (France)
Daniel Betz
Annie Caillault
Serge Caillault
Fabien Mullet
Olivier Testa
Jean Bottazzi
薛莲 (Xue Lian)

中国登山协会 (Chinese Mountaineering association)
李光宇 (Li guangyu)

陈立新  (Chen Lixin)

et toute la 广西黑洞探险队 (Blackhole Team)

Et en vidéo c'est encore plus beau et impressionnant : 

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