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Spéléologie en Crète : Zeus, Hades et Sternes

6 Aout 2019

Spéléologie

Plus connue pour son soleil généreux, ses paysages superbes et sa nourriture délicieuse, la Crète est aussi une destination prisée des spéléologues. Avec une grande partie de sa superficie pourvue de montagnes calcaires, elles regorgent de gouffres et cavités. Phil Bence nous raconte l'exploration d'une nouvelle cavité à 600 mètres sous terre.

 

Plus grande île de Grèce, la Crête est véritablement bénie des Dieux. Zeus lui-même serait né ici. Dans une grotte sur le Mont Ida, actuel mont Psiloritis, plus haut sommet de l'île avec ses 2 456 mètres d'altitude. Une grotte, voilà pour moi l'un des principaux attraits de cette île. Les Lefka Ori, littéralement "montagnes blanches", s'étendent sur 30 km de long et 20 de large à l'ouest de l'île. En raison de leur inaccessibilité, ces montagnes ont toujours servi de refuge à la résistance crétoise face aux occupants successifs de l'île. Les habitants de la région se vantent d'ailleurs d'être les seuls à ne pas s'être soumis aux Vénitiens, aux Ottomans et aux Allemands.

Les zones au-dessus de 2 000 m d'altitude sont complètement dépourvues de végétation et offrent un paysage lunaire. Un désert d'altitude unique en son genre en Europe. La végétation ne peut y prospérer en raison de la nature du sol, l'eau s'infiltrant immédiatement dans celui-ci pour rejoindre les profondeurs mystérieuses. Mystère sur lequel les spéléologues travaillent depuis de nombreuses années pour tenter d'en lever une partie du voile. Et sous la surface, déjà plusieurs grands gouffres ont été découverts dont 2 "très grands" dans le club fermé des -1000 mondiaux : Le Gorgotakas avec - 1208 m et le gouffre du Lion avec - 1110 m explorés par le club Catamaran après un gros travail d'agrandissement de plusieurs passages jusqu'à la découverte de la rivière tant espérée pour ce dernier. Exploration à laquelle j'ai eu le privilège de participer.

 

 

Un nouveau projet d'envergure était nécessaire pour relancer une dynamique après ces belles réussites. Le gouffre de Sternes était en attente. Une entrée majestueuse à 2100 m d'altitude et un enchaînement de puits entrecoupé de passages étroits ponctuels jusqu'à un méandre très étroit à 400 m de profondeur. Trop pour passer, mais le courant d'air lui passe bien. Les spéléo Grecs ont maintenant pris en charge l'organisation, secondés par les crétois.

Ils ont pris le parti d'ouvrir et d'inviter des spéléologues de tous horizons. Tous ne sont pas là pour aller au fond et explorer la suite, certains viennent juste quelques jours au camp, d’autres travaillent à la logistique mais tous viennent pour le plaisir de partager un moment de vie privilégié en montagne. Cette année Anglais, Israéliens, Australien et Français étaient venus en renfort afin de poursuivre le travail. La vie en expé, ce sont des rencontres humaines riches avec des personnes différentes que l'on n'aurait jamais rencontrées autrement.

La vie en expé c'est un camp en autonomie, coupé du monde d'en-bas et de ses soucis. Une vie isolée comme sur une île déserte, sans réseau Internet ni téléphone. Une parenthèse bienfaitrice. Une vie rustique sur les cailloux omniprésents, dans le vent et la poussière, sous un soleil de plomb. Une vie rythmée par les repas et les descentes dans le gouffre.

Équiper les cordes fixes et la ligne de téléphone jusqu'au fond, descendre le matériel pour agrandir les passages, puis travailler pour avancer, mètre après mètre. Toujours plus loin pour suivre cet air qui file vers l'inconnu et la promesse des profondeurs. Le méandre étroit est long. Il aura fallu de nombreuses descentes et de l'acharnement ces dernières années pour en venir à bout. De l'obstination même, un trait de caractère indispensable au spéléologue explorateur. Derrière le parcours redevient vertical et on gagne encore en profondeur, enfin. Notre espoir est d'arriver au niveau du platenkalk. Une géologie particulière en strates fines plus propice au creusement et où l'on sait que les galeries prendront enfin une autre dimension. Une voie royale vers un nouveau -1000.

Un grand et large puits de 40 m donne de l'espoir, mais la suite évidente prend des airs de voie sans issue. L'air a disparu et de petits puits amènent sur un boyau peu engageant. Mais il faut bien s'y engager, par acquis de conscience et pour lever la topographie surtout. Une découverte sans cartographie n'a pas d'existence. Étroit, aquatique, 30 m pour arriver sur l'évidence : fin, 599 m de profondeur.

 

 

La suite est ailleurs. On doit retrouver le fil conducteur de l'exploration, repartir à la chasse au courant d'air ! Il se perd dans le grand puits au-dessus, quelque part... Dans un endroit à trouver d'abord et à atteindre ensuite. Nos lampes puissantes fouillent les parois et les hauteurs, à la recherche d'une lucarne, d'un indice. Le brouillard, les particules en suspension et la forme du puits ne nous aident pas. 

On repère 2 suites possibles : en hauteur au plafond et une lucarne à mi-hauteur, à l'opposé de la ligne d'équipement. Il faut remonter, la suite sera pour une autre fois avec le matériel nécessaire pour grimper. Dehors, le soleil nous accueille avec générosité, il réchauffe nos corps et nous offre le spectacle de paysages majestueux. C'est un privilège d'être ici, seuls au monde, alors que 2000 m plus bas les touristes s'entassent sur les plages. 

Alexandre redescend le lendemain, il veut trouver le passage. L'option du haut ne donne rien si ce n'est un tas de boue collante. Il attaque l'équipement d'une main courante ambitieuse pour rejoindre la lucarne que l'on devine à peine. Au bout de quelques mètres d'artif tout le rocher devient pourri. Impossible d'avancer plus. Plus haut, plus bas même histoire. Ce ne sera pas pour aujourd'hui. Ni pour demain d'ailleurs car la fin du camp est proche et il faut garder du temps pour tout déséquiper et ranger. Il faudra revenir encore, monter une nouvelle expé. Y croire toujours, garder cette force de motivation magique qui permet de transformer les rêves en réalité. Aller plus loin que la fois précédente et rajouter un autre maillon à la chaîne.

Merci à mes amis grecs pour l'invitation.

Phil Bence 

Participants :

GRECE : Panagiotis Papadakos, Maria Kelaidi, Markos Digenis, Kostas Kostidis, Stelios Zacharias, Sotiria Perrou, Ifigenia Papamathaiaki, Kostas Adamopoulos, Giorgos Kavvadias, Korina Derr, Kostas Kostikas, Methodios Psomas, Philippos Psomas, Yiannis Soultatos, Katerina Liberidou, Anastasios Dafnos, Christina Zervou, Yiota Kafetzi, Alexandros Margiolis, Eugenia Kuzmina, Efsaia Vardoulaki,Lefteris Tzelepis, Margarita Kanellidou, Nektarios Tellis, Andreas Apokoroniotakis, Thodoris Vourvachakis, Stelios Labrinos, Athina Charkianaki, Ilia Mottaki, Babis Skepetzakis, Yiannis Galanakis, Giorgos Paulidakis, Yiannis Apostolakis, Dimitris Bourdas, Maria Fotiadi, Kiriaki Fosteri,

ANGLETERRE : Dave Ramsay, Jim Stevenson, Darren Mackenzie, Roy Button

FRANCE : Alain Soubirane, Alexandre Le Fevre, Phil Bence

AUSTRALIE : Keith Chatterton,

ISRAËL : Yuval Sobolyev, Omri Gaster

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