Petzl RocTrip, Karlukovo : un petit air de Woodstock !

Seconde étape de la Bulgarie, Karlukovo restera dans les mémoires par la force et l'étrangeté de son site.  La visite éclair du "King", Chris Sharma, renforce le charme du lieu et de la grimpe. Et bien sûr, l'atmosphère de camaraderie et d'enthousiasme concluent cette étape et font entrer le Petzl RocTrip est entré dans une nouvelle phase : la famille.

Un petit Woodstock

"Avant d'arriver sur place, on m'avait dit que l'Europe de l'Est subissait pas mal de mauvais temps", raconte l'iranienne Parvin Jahanbakhsh. "Du coup, je m'attendais à ce que le Petzl RocTrip finisse par ressembler à un petit Woodstock. Je crois qu'à Karlukovo, ça a été mieux que Woodstock. On a tout eu : la musique, la boue et l'escalade en prime !"

Surprise au petit matin, le soleil imprévu darde ses rayons sur le village. La caravane et les roctripeurs arrivent en masse et chacun croit douter un peu. Il faut s'imaginer avoir suivi pendant deux heures une route défoncée de nids de poule ; avoir traversé des villages à demi désertés dont les habitants vous accueillent avec sourire et plaisir ; être arrivé sur un grand plateau d'herbes rases où paissent des brebis et poussent les rosés des près. Et nulle falaise en vue qui se dessine. Pourtant les grimpeurs bulgares ont été assez clairs. "Le caillou se trouve à trois minutes de marche." Chacun, interloqué, se dirige vers une mare grossie par les pluies, suit un petit sentier, un arbre, des escaliers de pierre. Et là, dans une légère dépression, elle est là ! La fameuse grotte Prohodna et ses 90 voies de niveau de 4b à 8c+.

Deux Velux cyclopéens

"C'est un choc !" tonne Romain un grand gaillard qui est descendu de Paris pour son premier Petzl RocTrip. "Sur les photos, je me l'imaginais beaucoup moins grande. Et puis, il faut descendre pour aller la trouver. Impossible d'imaginer un phénomène géologique pareil si proche de la route."

De fait, la route chevauche la grotte et, de fait, les spéléologues furent les premiers à venir y faire joujou. Il y a bien longtemps. À 80 mètres, le plafond est percé de deux grands trous où descendre en rappel doit donner le frisson. Ces deux Velux cyclopéens infiltrent une lumière douce dans le site. Malgré la pluie revenue en force à mi-journée, on put grimper à satiété.

"Je crois que tout le monde s'amuse", s'enthousiasme Erwan Le Lann qui a déniché cette petite perle. "Il y a de belles voies du 4 au 8+ et dans tous les niveaux la gestuelle proposée est de grande qualité. Sur un site d'une telle énergie, c'est juste parfait."

Milkina Ruseva, chantre de l'escalade sportive bulgare, se souvient. "Le premier grimpeur à avoir équipé aux entrées de la grotte est Vasil Kirov. En 1995, ce doyen de la grimpe moderne, a établi cinq voies sur goujons. Dont la belle "Défleurement" qui a été faite à vue par plusieurs membres du team Petzl. Puis ce grimpeur phare s'est arrêté du jour au lendemain. Pendant une dizaine d’années, sa poignée de voies est restée orpheline. En 2006, la nouvelle génération des grimpeurs a redécouvert la grotte… dont ils ont équipé l'intérieur."

Le Show Sharma

Soudain le silence... La grotte qui résonnait des cris des grimpeurs et des assureurs est prise d'un étrange mutisme. Que se passe-t-il ? Un ange passe. Chris Sharma grimpe. Quelques-uns sont même venus spécialement pour voir ça. Évidemment, la colonnette de la voie en 8b+ est mouillée. Bien sûr, il ne reste qu'une journée. Forcément, il a d'autres projets et rendez-vous plein son sac à corde. Mais il est venu. Et le charme opère avec la puissance des préhensions et la sureté du geste. Gentil, souriant, simple, disponible, ce type contribue à élever l'escalade. Sharma descendu, le bourdonnement reprend de plus belle.

Entre chien et loup, beaucoup grimpent déjà à la frontale. L'étape est courte, on veut en profiter un max. Certains ne verront pas la nuit tomber. Une nuit un peu folle, une nuit à danser sous la pluie. Devant une centaine de roctripeurs, Chris Sharma présente son slide show. L'histoire de la "Dura Dura" 9b+, la voie la plus dure du monde, partagée avec Adam Ondra, continue à impressionner. Profitant de ce rassemblement de furieux, The Wild One met le feu aux platines. À deux heures du matin, la pluie redouble. Un groupe de musiciens improvise un petit concert dans la grotte. Le feu crépite, un grimpeur bulgare entonne quelques belles notes graves et vibrantes. Chacun empoigne un instrument dans un bœuf post-moderne tandis que des ombres immenses s'étirent sur les murs. Elles semblaient dire "Karlukovo, j'y étais !"

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