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Symon Welfringer - « La tête tout le temps en éveil »

Tout a commencé sur un modeste pan, à Metz, en Moselle (57). « Je n’étais pas prédestiné à devenir alpiniste », s’amuse Symon Welfringer. L’ancien compétiteur de difficulté découvre la montagne en venant faire ses études à Toulouse en 2013. Quelques années plus tard, sa liste de courses et de croix aligne les superlatifs : un Piolet d’or pour son expé avec Pierrick Fine au Pakistan, les grandes voies les plus difficiles de Corse, des classiques dures du massif du Mont-Blanc, la voie de trad la plus difficile de France, et un 9a à Céüse en juin dernier.

16 Février 2023

Escalade sur glace

© PETZL Distribution - Lafouche

Difficile à suivre ? Pas étonnant, car Symon est à fond. Dans tout ce qui lui plaît. Il suffit que ça l’intéresse. Et beaucoup de choses l’intéressent ! « J’ai du mal à me focaliser sur un seul sport, un seul projet. C’est une question de caractère, j’ai la tête tout le temps en éveil, je suis plutôt touche-à-tout », avoue Symon. Le tour de force ? Savoir se diversifier, sans s’éparpiller. La grimpe étant toujours restée le fil conducteur, ce trait de caractère a donné à Symon une polyvalence impressionnante. Escalade sportive, trad extrême, alpinisme, expéditions lointaines, cascade de glace, ski, dry tooling, il excelle à peu près partout. Même s’il sait se focaliser le temps nécessaire sur un seul projet, le kif du moment c’est plutôt d’associer plein de trucs à la fois : « Cet été, avec deux copains on a fait un trip grimpe en itinérance à vélo, j’ai trop envie de refaire ça, je suis à fond sur le vélo ! ». 

 

« Le jour où j’ai découvert l’alpi, ça a été la révélation » 

C’est exactement ainsi qu’a commencé l’histoire de Symon avec la montagne et l’alpinisme, il n’y a même pas dix ans. L’attirance pour la nature, les éléments, la performance physique, la découverte, le crapahutage, tout cela cohabitait déjà en lui. Il manquait juste le liant. « Le jour où j’ai découvert l’alpi, ça a été la révélation. Pendant 22 ans, j’ignorais que je pouvais combiner tout ce que j’aimais ! Donc j’ai été tout de suite à bloc. » Et peu de temps après, en 2015, porté par sa nouvelle passion et un talent certain, il intégrait l’équipe d’alpinisme de la FFME. C’était parti pour le chapitre aventure et expéditions lointaines, du Pakistan au Népal en passant par l’Alaska, avec de nombreuses ouvertures, dont le Quatuor à cordes sur le Lobuche East (6120 m, Népal) avec Antonin Cecchini, Laurent Thévenot et Aurélien Vaissiere en 2018, Trinité (M6, 1500 m) sur le Tengi Ragi Tau (6820 m, Népal) avec Silvan Schupbach en 2019, Sur la route de l’école (M6, 500 m) au Pakistan avec Antoine Rolle, Aurélien Vaissière et Pierrick Fine en 2019 et, en 2021, à 27 ans, rien moins qu’un Piolet d’Or à partager avec Pierrick Fine pour Revers gagnant, leur ouverture en face sud du Sani Pakkush (6 951 m) au Pakistan. 

La recette d’une expé réussie pour Symon ? D’abord, c’est le lieu. Sauvage, de préférence. Une face ou un sommet vierge, dans un massif inconnu, pour le côté explorateur : « Je trouve ça mythique d’arriver dans un endroit inexploré ! » Ensuite, la ligne, qui doit cadrer avec la recherche de performance et permettre à Symon d’utiliser ses qualités de grimpeur et ses aptitudes techniques. Bref, « un itinéraire qui impose de bien grimper ». Et enfin, la compagnie. Symon, éminemment sociable, avoue avoir beaucoup de mal à faire des choses seul ! « Les gens avec qui je pars, c’est très important, explique-t-il. Il faut qu’il y ait un feeling, une motivation similaire. Il faut que je le sente… ». 

Pour ce qui est de son éthique, le maître mot, c’est autonomie. En style alpin, avec aucune aide extérieure et tout son paquetage sur soi. Du super-light. Cette obsession de légèreté le conduit d’ailleurs à s’intéresser, et de plus en plus, à cet aspect crucial dans le développement du matériel. Comment optimiser le matos pour encore moins de poids, et encore plus de performance ? Une composante qui intervient dans le choix et l’élaboration de ses projets, autant que dans sa relation avec ses partenaires, comme Petzl : « Quand je m’associe à des partenaires, c’est pour leurs valeurs, que je partage, mais c’est aussi pour m’impliquer dans le développement du matériel », explique Symon. 

 

© PETZL Distribution - Lafouche

 

Un artiste en quête de beauté ultime

L’alpinisme l’aurait-il emporté sur l’escalade, pourtant point de départ de son parcours, dans le cœur du grimpeur mosellan ? « L’escalade sportive, c’est ce qui m’anime le plus. Aller en falaise, essayer des voies dures, monter dans une voie, ne pas faire un seul mouvement et au fur et à mesure te rendre compte que c’est possible, j’adore ça ! En plus, tu pratiques avec plein de gens différents. La falaise, ça reste mon occupation favorite. »

À tel point que notre insatiable touche-à-tout arrive même à faire des sacrifices pour se focaliser longuement sur un seul projet quand cela lui tient à cœur. Comme pour son premier 8c+, Mr. Hyde, à Céüse, en 2019. Lequel, sitôt réussi, l’a projeté sur une furieuse envie d’un 9a, qui était l’objectif pour cette année 2022. « J’ai laissé l’alpi de côté pendant six mois, ça a été un sacrifice dur, surtout pour un pôv’ 9a que j’essaye depuis trois ans ! », modère Symon en ajoutant que cette cotation n’a plus rien d’extrême aujourd’hui. Une réussite qui n’est pas à mettre sur le compte d’un entraînement acharné, Symon admettant en toute honnêteté ne pas être assez rigoureux pour ça. Non, là, on est plutôt dans une approche… artistique. « Ce que je recherche dans mes projets, c’est une harmonie d’ensemble, un peu comme un artiste en quête de beauté ultime. Je ressens le projet comme une composition dans laquelle j’aime que tous les éléments s’emboîtent avec justesse, que tout soit fluide. C’est ça qui me motive ». Illustration avec Pornographie à Céüse, en juin 2022. « Il y avait l’envie de faire un 9a, mais le faire là-haut, sur ma falaise de cœur, la plus belle de France, c’était encore mieux, encore plus harmonieux. »

De même l’été dernier, en 2021, lors de son expédition en kayak au Groenland. Trente jours en autonomie, sans laisser aucune trace, avec, dans sa petite embarcation, tout le matos et tout ce qu’il faut pour vivre : harmonieux, léger, et extrêmement motivant. 

« En grimpe et en alpi, il y a un aspect performance, très quantifié, avec des distances, des chronos, des cotations… Mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi la manière d’arriver au pied de la voie, la dimension donnée au voyage, l’éthique, le milieu naturel… Tout ce qui ne se quantifie pas et qui est beaucoup plus abstrait. L’ensemble est un peu comparable à une forme d’art. » Un art dans lequel Symon s’efforce d’allier aventure et performance, sans mettre de côté les cotations, au contraire, mais sans s’y borner non plus. 

 

© PETZL Distribution - Marc Daviet

 

« Une expérience qui n’a pas de prix »

Notre alpiniste-artiste a déjà dans sa galerie nombre de belles toiles, mais il y en a une qu’il n’a jamais achevée. En 2021, dans une cascade de glace, il fait une chute de 50 mètres. Pendant quelques instants, il ne sait même plus s’il est vivant ou mort. L’événement va profondément faire réfléchir Symon sur le risque et l’engagement, des paramètres qui n’avaient guère parasité sa pratique jusque là. « J’ai commencé la montagne hyper tard avec un niveau élevé, et les cinq premières années, je n’ai pas vu en quoi c’était dangereux ! » La prise de conscience se fera tardivement, à travers l’encadrement de l’équipe d’alpinisme de la FFME, et des premiers événements tristes qui le toucheront de près, comme le décès accidentel de Max Bonniot en 2019. « J’ai été très affecté car on partageait la même vision des choses. Cela m’a fait réaliser qu’on peut être très fort, se poser les bonnes questions et avoir la bonne approche par rapport au risque, et y rester quand même. »

Sa propre monstrueuse chute le convaincra, pour finir, que cela n’arrive pas qu’aux autres. Le doute et la peur s’insinuent. Arrêter l’alpi et ne faire que de la grimpe ? Impossible. « Les expéditions, les voyages au long cours, je sais que je ne peux pas m’en passer. Cela ne remet pas en cause mes motivations. » L’enseignement est plus profond. Il touche à cet instinct, ce sens de la montagne, cette aptitude innée à poser le pied au bon endroit qui est la clé en alpinisme, en terrain scabreux, en cascade… « Même le plus mutant des grimpeurs qui a un niveau physique de fou, s’il n’a pas cet instinct, il ne vaut rien ! » résume Symon, qui a craint, lorsqu’il a repris après l’accident, de l’avoir lui-même perdu. Mais l’habileté et la confiance reviendront, portés par la motivation, et la leçon de vie est bien apprise : « A posteriori, je suis content de l’avoir vécu, admet Symon. Cela m’a permis de me poser les bonnes questions et donné une expérience qui n’a pas de prix. »


Pour ce qui est de l’escalade, et notamment en trad, comme dans Voyage, une voie extrême en 8b+ trad à Annot que Symon a été le premier Français à réussir en mars 2022, l’engagement est aussi empreint de peur, mais une peur positive. Presque magique. « Avoir peur, c’est ce qui me permet de grimper à 100 % de mon potentiel physique. Quand tu sais que tu ne dois pas tomber, tu es hyper concentré, tu es dans un flow, presque un monde parallèle où tu fais tout parfaitement, où tout s’aligne. C’est la peur qui procure cet état d’esprit. » 

 

© 2023 PETZL Distribution - Hugo Wirth

 

« Si j’avais le temps, j’aimerais travailler plus »

Que fait Symon quand il n’est pas au bout d’une corde ? Son métier, tout simplement. Celui de météorologue. Le jeune alpiniste travaille en fait comme prévisionniste pour Météo France à Grenoble. « Je pourrais vivre des partenariats en qualité de pro, précise-t-il, mais mon métier me passionne. » Pour se dégager suffisamment de temps pour la montagne, il travaille à mi-temps et son statut assimilé haut-niveau est pris en compte pour lui permettre de donner la priorité à la grimpe, aux expés et à la montagne. Il vient d’ailleurs d’obtenir son diplôme de guide de haute montagne. Mais ne faire plus que ça, il ne l’envisage pas pour autant. D’abord parce que son métier lui procure, à travers la stabilité et la stimulation mentale, un équilibre de vie. Ensuite parce que la météorologie l’intéresse ! Et comme il nous l’a dit, quand quelque chose l’intéresse, il est à fond… « J’aimerais avoir deux vies pour pouvoir consacrer plus de temps à mon travail et pouvoir approfondir plein de sujets passionnants de mon métier ! ». 

Deux vies ne suffiraient sans doute pas à Symon pour explorer et approfondir tout ce qui l’intéresse. Par exemple, le voyage à vélo réalisé cet été. « Quand on est arrivés dans les Dolomites, ça faisait cinq jours qu’on pédalait, ça avait été une vraie aventure pour arriver jusque là, on a crevé plein de fois, et on s’est retrouvés au milieu des touristes alors que nous, on avait l’impression d’avoir atteint le fin fond de l’Himalaya ! J’ai été séduit par cette formule qui combinait à la fois une empreinte minimisée, et des possibilités décuplées en matière d’aventure. » Un style de voyage que Symon aimerait bien reproduire à l’avenir, dans un avenir plein de projets de montagne, avec suffisamment d’idées pour occuper une bonne décennie. À commencer par le prochain en date, début septembre, au Népal : « C’est en construction, avec Charles Dubouloz et Hélias Millerioux, ça sera en altitude, quelque chose de sympa », annonce-t-il, énigmatique. Et parce que Symon est un vrai touche-à-tout, il n’est pas dit qu’on ne le retrouve pas un jour… à la barre d’un voilier ! « À un moment de ma vie, ça me plairait de m’intéresser au monde de la mer. Quand je vois le Vendée Globe, je suis tout excité ! » Il y a fort à parier que ce jour-là, les yeux rivés sur son cap, il sera… à fond. 

© PETZL Distribution - Marc Daviet

 

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