Paralpinisme à l’Ama Dablam avec Bertrand Zeb Roche et Jean-Michel Bacou

Cela fait quelques années, que je rêvais de repartager une belle aventure de paralpinisme. L’Ama Dablam est un de ces sommets magiques pour lequel j'ai une certaine fascination… Faire l’ascension classique ne me motivait pas vraiment (trop d’expéditions), par contre la perspective de grimper la Lagunak Ridge avec mes amis Mauriennais qui prévoyaient de trainer leurs crampons dans ce coin de la planète, me plaisait beaucoup plus. Et une tentative de vol en parapente du sommet en biplace avec mon pote d’enfance encore plus !!! Récit et photos de Bertrand Zeb Roche

Rien n’est prévisible

Une fois sur place nous nous rendons compte que la Lagunak ne sera pas praticable cette année, une mousson très active a mis beaucoup de neige qui n’a pas eu le temps de se transformer suffisamment. Elle rend la progression complexe et délicate à protéger. Nous ferons le choix de passer par la classique sachant que je devais grimper avec un biplace dans le dos. La bonne nouvelle c’est que notre biplace Niviuk Skin ne pèse que 3,3 kg, ce qui permet désormais d’envisager des ascensions beaucoup plus techniques que celles possibles avec une aile de bi standard.

Vol de l'Ama Dablam dans la poche ! 

Ce fut un extraordinaire voyage en haute altitude partagé avec mon pote d'enfance Jean Mi. C'était un peu tendu car Jean Mi n'avait que 8 jours pour s'acclimater et monter à presque 7000 mètres, c'est peu ! Partis de 5700 mètres d’altitude du camp 1 à minuit, nous atteignons le sommet (6856 m) à 8h15. Une montée raide et bien soutenue. Nous sommes contents d’avoir le bi Niviuk Skin dans le dos qui s’impose par sa légèreté dans ce genre d’aventure. La voie est équipée de cordes fixes, mais certaines font vraiment peur, du coup... encore plus heureux de redescendre en vol !

Un déco atypique à 6856 mètres d’altitude

Au sommet, la vue est grandiose, avec une météo de rêve, mais un vent un poil fort entre 35 et 40 km/heure. Le sommet est large mais assez court et surtout, l'endroit pour décoller est en contre pente. On peut étaler la voile mais pour la gonfler, il faut avancer légèrement dans la face, c'est à dire dans une pente très raide (65°) de neige dure qui plonge jusqu'au camp de base 2000 mètres plus bas ! Autant dire qu'on n'a vraiment pas le droit de rater son déco ! 

Une vue imprenable sur les 8000 !

Pour éviter le risque de s'emmêler les pinceaux, nous préférons enlever les crampons. Jean-Mi nous assure tant bien que mal en tenant une corde fixe pendant que je gère le gonflage... nous avançons lentement vers la pente, jusqu'à ce que le bi morde le vent. Alors je me retourne face voile pour mieux gérer un éventuel gonflage asymétrique. Malgré le vent fort sur ce déco atypique, le bi s'est super bien comporté. En deux secondes nous sommes propulsés à près de 7000 mètres ! Nous passons 200 mètres au-dessus du sommet. La vue sur l’Éverest est époustouflante, on aperçoit aussi le Kanchenjunga, le Makalu, le Lhotse, le Cho Oyu, le Shishapangma... six "8000" !

45 minutes de vol magique

L’envie de rester en soaring au milieu de ce panorama sublime est tentante, mais nous décidons prudemment de glisser en douceur jusqu'au camp de base car ici, les brises de vallée peuvent être puissantes dès 10 h du matin. Le vol en biplace sous une voile mono-surface est impressionnant, surtout avec autant de gaz, même si le comportement de la Niviuk Skin s'avère sain et nous remet vite en confiance. Je retrouve la facilité de pilotage et le feeling d'une aile solo avant d’atterrir au camp de base à 4600 mètres d’altitude.

Quelle expérience extraordinaire ! Merci déesse Ama Dablam de nous avoir fait ce cadeau ! Merci aussi à Lakpa Gyalzen Sherpa, de l'agence Himalayan Karma trekking. Petite agence, superbe organisation, aux petits soins ! 

- - Bertrand Zeb Roche

Attention, pour le parapente il faut demander des autorisations