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Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Lionel Daudet, Aymeric Clouet, Philippe Batoux et Yann Borgnet sont retournés là où l'équipage de Maewan Adventure Base n'avait pas pu grimper l'année dernière dans les Fjords du nord ouest de l'Islande. Ils ont trouvé, comme ils l'avaient imaginé, des lignes assez incroyables… Le récit de ce voyage raconté par Lionel Daudet.

25 Février 2016

Escalade sur glace

L'équipe : de gauche à droite, Yann Borgnet, Philippe Batoux, Aymeric Clouet et Lionel Daudet © Philippe Batoux

L'équipe : de gauche à droite, Yann Borgnet, Philippe Batoux, Aymeric Clouet et Lionel Daudet


Cette histoire commence par un manque évident. En 2015, à peu près à la même époque, j'étais en Islande avec Aymeric Clouet et tous les marins poilus du voilier Maewan. Nous avions passé le Hornbjarn sans pouvoir nous arrêter : plus assez de temps, et puis les conditions de glace n'étaient plus là... Imaginez seulement, juste à portée de piolets : des lignes de glace raide -doux euphémisme, ciselées par les larmes du ciel arctique, malmenées par les intempéries, suspendues à de sombres parois, tombant à pic dans les eaux redoutables de l'Atlantique Nord. "Ce n'est que partie remise", nous étions-nous dit, un vague goût d'amertume mêlé aux lèvres salées.

Ainsi à l'automne 2015, l'opération "Northern Ice, dans le sillage de Maewan", est lancée.

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Un aperçu de la faune polaire : à gauche le renard, à droite les phoques. En bas à gauche : transfert du matos au camp de base. En bas à droite : approche délicate dans le fond du canyon de Glymur.

Echanges de mail, suivi religieux des courbes de températures locales. Les interjections et autres exclamations coïncident vite avec les pics de température. B... de m... c'est quoi ce p... de redoux de la mort !!!

Bref rien n'est acquis dans cet hiver étrange, pendant lequel j'ai passé la plupart de mon temps à grimper, torse nu sur les falaises briançonnaises... Néanmoins, alors que la date de départ fixée se rapproche dangereusement, les températures redeviennent négatives.

Yesss. 

Feu!

Haro sur l'Islande!

L'équipe est remaniée. Clouclou (Aymeric Clouet) et Dod (Lionel Daudet) les rescapés de Maewan, Philippe Batoux et Yann Borgnet le sang neuf. Vogue de nouveau la galère… en avion cette fois ! Un mois pour monter en Islande à la voile l'an passé nous avions déjà donné.

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Aymeric grimpe avec précaution une cascade étonnamment sculptée non loin d'Isafjordur.

Isafjordur tranquille bourgade des fjords de l'Ouest. De la neige, du vent, des gros, mais très gros 4x4 qui arrachent à Phil des cris énamourés... Et la nuit polaire. P...  Ça nous fait sacrement drôle de voir le jour se lever... à 9h. Heureusement la pénombre survient vers 17h30, 18h.

Faire de la glace au Horn ce n'est pas gagné d'avance, tant les paramètres défavorables sont nombreux. Un peu comme si on voulait jouer au poker avec une double, voire une simple paire en main. Les condi de glace et l'approche des cascades ? Inconnues. Les prévis météo ? Pas fameuses. Le débarquement en bateau ? Incertain. Ça engage mal, on ne peut pas partir avant au moins trois jours.

Alors nous rongeons notre frein et nos cordes en grimpant aux alentours, épinglant tout de même la jolie première de Valagil, une cascade découverte… sur une carte postale. Il faut signaler qu'une vasque bien profonde et bien bouillonnante en défend l'accès, d'une manière au moins aussi sûre que les douves d'un château-fort.

Enfin le bateau !

Enfin, ce n'est peut-être pas ce que se dit le pauvre Yann, affairé à rendre son déjeuner aux poissons. En voilà un au moins de fixé sur son avenir dans les expés mer-montagnes. Par contre, Phil et Aymeric réagissent fort bien, il faut avouer que les deux loustics ont déjà payé un très lourd tribu à Neptune.

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

À gauche : Phil dans la troisième longueur de Mister Renard. À droite : Dod dans Fjalirfoss.

La baie de Hornvik : un arc de cercle parfait tranche le blanc alentour d'un fin liseré de sable noir. Au-dessus des sommets veloutés de mauve, un ciel pur et des nuages galopants laissent une impression de désolation sereine. Le bout du monde, notre bout du monde.

Terrassement, la tente est montée juste à côté de l'abri de survie, nous nous installons sans gêne sur le territoire de mister fox, alias goupil, alias le renard polaire, pelage non pas blanc mais gris brun, yeux en amande, belle queue touffue balayant la neige. À quelques mètres dans la mer des phoques s'ébattent paisiblement.

Au moins on aura de quoi manger si personne ne vient nous récupérer.

Pour notre première nuit au Horn, les éléments nous souhaitent la bienvenue et nous invitent à danser avec les aurores boréales. Spectacle dont il est impossible de se lasser. Chatoiements, irisations, le ciel se fait si beau qu'un sentiment profond d'allégresse vous gonfle les poumons...

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Le camp de base en baie de Hornvik, avec l'abri de survie sous les aurores boréales.

Rien n'est, je l'ai déjà dit, simple. Les jours suivants nous le prouvent.

Mine de rien, les cascades ne sont pas toutes proches. Nous décidons de poser un camp avancé au phare, de l'autre côté du Horn, et prenons nos quartiers dans une baraque au sol cimenté et verglacé. Dire qu'en plus j'ai chopé une sale crève, c'est bien le lieu pour !

Au boucan des vagues se fracassant sur le basalte noir caparaçonné d'une glace fondante, répond les miaulements d'un vent parfois enragé. Des paysages où auraient pu être tournés le Seigneur des Anneaux. Le pays du Mordor, les feux en moins, la glace en plus. Et toujours un ciel de suie, tolkénien.

"Les deux tours", épisode bien nommé car nous grimpons précisément juste au-dessus d'aiguilles déchiquetées, plantées comme des pieux dans le champ de bataille d'une mer houleuse, les Fjalir. Nous n'irons pas chercher plus loin le nom de notre première ouverture au Horn: Fjalirfoss. Une glace travaillée mais sorbet, des méduses et du soleil que nous lapons littéralement, trop bon trop rare.

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Yann à l'attaque de la première longueur de Fjalirfoss.

LA journée de glace : encore une approche à frôler les grosses vagues, à chalouper sur les galets polis, à gratter la neige pour passer entre les aiguilles et la paroi, et dégager de vieux cordages de marins sur lesquels nous n'osons pas nous tirer. À quelques dizaines de mètres au-dessus de nos têtes des pingouins ont établi une piste d'envol. Leur décollage nous arrache des rires de gosses. Il faut les voir battre frénétiquement des ailes, se jeter dans le vide comme pour une opération suicide et finalement percuter l'océan après une centaine de mètres d'un vol maladroit. Aucun d'entre nous n'a jamais grimpé dans un tel endroit. Phil qui pourtant en connait un rayon en matière de glace m'avoue être réellement impressionné par ce mélange d'extrême austérité, de lumières sublimes, de proximité marine.

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

À gauche : la faune locale : les pingouins ! À droite : notre bout du monde.

Aymeric et Yann- la cordée des jeunes, ouvrent une superbe ligne, bien raide à souhait avec une sortie en mixte qui demandera temps et concentration à Yann. Son nom ? Maewan. Of course.

Phil et moi la cordée des vénérables. Nous zigzaguons dans une tapisserie de glace, tissant un étrange canevas, avant un premier ourlet sur une longue vire horizontale, où nous suivons les traces de goupil, avant un ultime élan vertical. Ainsi naît la fine broderie de Mister Renard.

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Dod à l'approche de Mister Renard

Et puis vient le blizzard, un big bang dans la baraque déglinguée. Nous restons la journée calfeutrés dans les duvets, à écouter le vent démoniaque griffer les vieilles planches décaties. Heureusement que nous ne verrons que beaucoup plus tard le relevé anémométrique du phare voisin : 40m/s, soit environ 150km/h. Ça commence à causer, et il me semble en avoir surpris certains jeter des regards circonspects sur la toiture… Nous tentons vainement de faire sécher nos pelures de clébards mouillés. Ç'aura été la phrase du trip (oui il y en a toujours une !) : "T'es sec, toi ?" Question évidemment stupide puisque la réponse est parfaitement connue. Mais il y a selon le ton de la réponse quelques nuances. Un non péremptoire ? Traduire slip et chaussettes trempées. Un non plus souple? Traduire juste les chaussures trempées et le dos humide. 

Un message reçu : "récup après-demain 15h". C'est le seul créneau possible. Le suivant ? Personne ne sait.... Les autres alternatives ? Atteindre un autre fjord plus à l'intérieur en passant un col. Mais avec tout notre barda ce serait impossible, même avec les pulkas. Quant à rentrer à pied, il y a bien 50 kms à vol d'oiseau avant d'atteindre une route... absolument pas déneigée!

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Haut gauche : réconnaissance au ras des flots. Haut droite : météo typiquement islandaise. Bas gauche : Aymeric à l'ouverture de Maewan. Bas droite : Dod à l'assurance, vers Arnarfjordur.

Fuir Isafjordur, maintenant. Sur le bitume verglacé, les pneus clous nous bercent d'un crissement rassurant. Nous arrivons dans la nuit à la capitale. Bien nous en prend, la route ferme derrière nous, sacrée Islande.

Encore un peu de grimpe dans un magnifique canyon à 1h de route. Approche délicate sur de fragiles plaques de glace figées sur des flots grondants, le barouf généré par la plus grande chute d'eau islandaise devient réellement assourdissant. Le monstre Glymur. Belles longueurs sur de délicats pétales, givre glace neige eau nous ne savons plus très bien sur quel support nous nous tractons.

Et puis quand même la fête jusqu'au bout de la nuit, s'enivrer des blondes, du monde et des décibels... Presque frais mais dispo à 5h du mat pour amener Phil à l'aéroport.

On savoure, on savoure cette Islande des premiers âges, dont nous sommes définitivement tombés amoureux...

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Phil dans Glymur.

Et déjà on pense à l'année prochaine : revenir longtemps cette fois. Car il faut bien comprendre qu'il est dur voire impossible de grimper là-bas tous les jours. Mais c'est le charme et le prix du Horn. Et pourquoi pas une approche en kite ? Des Islandais sont déjà sur les starting-blocks, prêts à nous accompagner...

L'aventure ne s'arrête jamais, l'exploration du Horn ne fait que commencer.

C'est sûr, avec toutes ces lignes futuristes qui nous tendent les bras, il y aura une saison trois.

-- Lionel Daudet Reykjavik le 22 février 2016

 

Carte et topo

  1. "Fjalirfoss" Philippe Batoux et Lionel Daudet 
  2. "Fjalirfoss" Aymeric Clouet et Yann Borgnet
  3. "Mister renard" Philippe Batoux et Lionel Daudet  
  4. "Maewan" Aymeric Clouet et Yann Borgnet 

 

© Philippa Batoux - Northern Ice, dans le sillage de Maewan

Des lignes sublimes attendent toujours leurs premiers ascensionnistes !!

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