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Topos glace et mixte 2018

Après plusieurs saisons pauvres en glace sur toute l’Europe, l’hiver 2018 fût davantage propice aux glaciéristes. Malgré de grosses amplitudes thermiques et des précipitations rendant les conditions parfois délicates, il y eu de belles réalisations. La Norvège et ses cascades yosemitiques, les fissures gelées du Ben Nevis, les couloirs du Métro à Kandersteg et du mixte en France : voyage glacé à travers l’Europe.

19 Mars 2018

Escalade sur glace

 

A gauche : Aurélien et Nathalie au pied de Double Whammy 6/300m - A droite : Les lignes mythiques d'Eidfjord.

Accès rapide dans l'article :

#1) Big wall en Norvège

#2) Métro, boulot, dodo pour Seb Ratel

#3) Un air de Kandersteg pour la cordée A²VC

#4) Scottish Trip


1) Big wall en Norvège

Après plusieurs hivers d’affilés très doux en Norvège, cette année c’est LA destination pour les glaciéristes. Le climat Norvégien humide mêlé à une grosse vague de froid durant le mois de décembre et janvier a permis la formation de nombreuses lignes dont certaines rares et éphémères. C’est dans la vallée Gudvangen, à 200 kilomètres au nord-ouest d’Oslo que certains monstres de glace se sont formés. Pierre Labbre membre du Team Petzl ainsi que deux membres du GMHM : Léo Billon et Max Bonniot sont allés s’y frotter.

Texte de Pierre Labbre

En 2013, nous étions passés avec Seb Ratel devant le mur de la cascade Fosslimonster (VI 6+ M7 800m), pas formée cette année-là. Depuis je m’étais convaincu de revenir. Cette année elle est en conditions, et nous voici trois jours plus tard sur place. Deux jours pour repérer la cascade, réfléchir à la stratégie et nous décider. Dans le doute nous avons pris le matériel de bivouac pour dormir sur la vire au cas où le passage de mixte nous prendrait trop de temps.

C’est donc les sacs lourds que nous commençons l’ascension de nuit, Léo en tête. Les conditions idéales de glace nous permettent d’arriver suffisamment tôt à la vire pour tenter l'enchaînement à la journée. Max prend le relais pour les longueurs de mixte avec clairement trop de matériel, au cas où la cascade se serait formée différemment que lors de l’ouverture. (ndlr : Robert Jasper et Roger Schaeli en 2009, s'étaient attirés les critiques des glaciéristes norvégiens car ils avaient posé des spits).

Ensuite une longueur croutée nécessitant du nettoyage nous mène au second surplomb. Je prends le relais à ce moment-là et heureusement les conditions sont parfaites, il faut à peine nettoyer et la succession de stalactites est splendide ! Je continue quelques longueurs peu raides mais avec une croûte de regel difficile à casser.

Léo prend ensuite le relais pour deux grandes longueurs de nuit. Après 13h de grimpe, nous venons de signer la première répétition de Fosslimonster. Une des plus belles lignes de glace, soutenue et variée, que j’ai pu grimper, un vrai bonheur !

 

De gauche a droite : Max Boniot au pied de Fosslimonster 6+/M8/800m - Antoine Avenas dans les cigares des longueurs raides.

Dans la même vallée, la bande à Batoux, une bande de trois professeurs de l’ENSA composée de Philippe Batoux, Aymeric Clouet et Michel Coranotte sévit aussi par ses ouvertures. Après avoir répété Fosslimonster ils décident d’ouvrir une nouvelle ligne dans le dièdre d’Into The Wild, The Kraken (VI 6+ M6 800m) avec son imposant freestanding dans ce cirque de glace aux nombreuses lignes encore possibles.

Comme si les Français s’étaient donnés le mot l’équipe du GEAN de la FFCAM menée par Christophe Moulin n’était pas non plus venue pour prendre le soleil.

Texte d’Hugo Derbey :

La première journée se déroule sur le thème de l'exploration, devenue rare dans nos Alpes. C’est sans topos, que nous partons à vue dans deux cascades parallèles, de 300m entre le 5 et le 5+. Pendant ce temps l'autre partie du groupe visite la mythique Hiddenfossen (200m, 6), un énorme plaquage technique et déroutant qui laissera quelques souvenirs impérissables à nos compagnons.

Les jours s’enchaînent, nous déclinons les « fossen » à toutes les sauces avec des lignes toujours plus belles les unes que les autres. Depuis l'océan de glace bleue de Korlifossen (300m, 5+), à la taille de guêpe de Double Whammy (350m, 6). 

Après 4 jours de grimpe, l'heure du repos a sonné. Idéal pour avancer sur les projets futurs et écouter les histoires rocambolesques de nos supers coachs (Christophe Moulin, Patrick Pessi et Titi Gentet).

Le lendemain c’est la belle Thorfossen qui tombe : une évidence de 600m, qui, après une approche en 5, s'intensifie avec une longueur en M8 pour rejoindre une épée suspendue puis se termine par 4 longueurs variant entre 5+ et 6. Malgré une température très correcte  la météo n’est pas tendre avec nous, et cette dernière journée la neige et le vent s’invitent à la fête. L’assaut est donné par Tic et Tac (Antonin et Aurélien) dans Fokus (600m, 6), la voisine difficile de Thorfossen pendant qu’Octave et Antoine accompagnés de Titi s’offrent la dernière répétition de la saison de Fosslimonster.

 

Antonin Cecchini et le ressaut final de Fokus 600m VI/6

 

2) Métro, boulot, dodo pour Seb Ratel

Si certains membres du GMHM sont en Norvège, le caporal-chef Seb Ratel continue sa liste de croix sur le mur de Breitwangflue à Kandersteg en Suisse en réalisant Métro, une ligne … qui sort de la routine.

Texte de Seb Ratel :

« J’ai vu de la lumière alors je suis entré » C’est ce que l’on dit souvent… Lorsque l’on arrive au pied de la barre de Kandersteg, il y a un endroit qui ne saute pas aux yeux pour grimper c’est Métro. Pourtant au sommet de la falaise tout en rocher on remarque une magnifique colonne. Mais où l’eau coule ensuite ? Pas une trace le long de la paroi. Au pied on remarque un petit trou. Les premiers qui y ont jeté un œil ont dû être étonnés.

Ce n’est pas une grotte mais un véritable tunnel vertical qui débouche directement au sommet de la falaise. Après avoir grimpé le premier petit ressaut, nous sommes au pied du puit de lumière. Une centaine de mètres de glace verticale nous sépare de celui-ci. Nous nous élevons donc vers la lumière dans ce décor féérique. Le bruit sourd des glaçons que nous décrochons en grimpant résonne dans cette cavité. Enfin nous sommes à l’air libre. Nous grimpons la chandelle sommitale au-dessus de ce trou noir, l’ambiance est grandiose.

Au sommet : terminus, tout le monde descend. 3 rappels plus tard, notre corde traverse de nouveau la galerie et nous dépose à la station de départ. Un joli voyage entre lumière et obscurité !

 

Seb Ratel dans Métro à Kandersteg 6/200m

 

3) Un air de Kandersteg pour la cordée A²VC

Aurélien Vaissière et Antonin Cecchini sont allés se frotter aux lignes de la Gurraz en Haute Tarentaise et signent la première répétition selon les ouvreurs de “Stupeflip” VI/6+/M7+.

Texte de Antonin Cecchini

Venant souvent skier dans la vallée, cette ligne me narguait depuis quelques temps. En effet elle est visible depuis la route lorsque l’on monte en direction de la station de Tignes. Il est difficile d’y trouver de bonnes conditions car de grandes pentes avalancheuses surplombent cette face, ce qui peut rendre l’approche délicate surtout quand la mission s’apparente à la réalisation d’une tranchée plus grande que la jambe d’Aurél. De plus la face voit le soleil une bonne partie de la matinée ce qui rend l’escalade agréable certes, mais peut vite fragiliser le placage du bas ou la draperie du premier ressaut.

Malgré un équipement qui commence à subir le temps, le dry du bas se grimpe bien et il faudra rajouter quelques coinceurs afin de pouvoir “se lâcher”. Ensuite il faut se frayer un chemin entre les stalactites, alternant pas de dry et pas de glace, le tout avec une belle ambiance aérienne. La banquette en 3+ permet ensuite de se rétablir et souffler un coup avant la dernière envolée de 60m de glace qui m’aura valu une bonne heure de ménage et quelques hectolitres de sueur.

Deux rappels nous ramènent ensuite sur la terre ferme et nous laissent admirer sa petite soeur 100 mètres sur sa gauche : “Top Niveau”. Deux longueurs de glace qui sont exceptionnellement bien formées cette année. La météo annonce encore une belle journée demain, parfait ! On file se refaire la cerise chez les parents dans la vallée et nous voici repartis le matin suivant.

Cette fois-ci la trace est faite et nous avalons vite l’approche. Quelques courbatures de la veille se font sentir mais la première longueur 5+ est vite enchainée. La deuxième longueur forme un dièdre de glace parfait puis un petit toit qu’Aurélien réalisera en nous gratifiant d’un réta digne des plus grands Bleausards (ndlr: grimpeurs de Fontainebleau).

 

Le topo de Stupflip - Aurélien Vaissière se fraye un chemin dans les stalactites de Stupflip 6+/M7+/120m

 

4) Scottish Trip

Texte de Symon Welfinger

Loch Ness, Ben Nevis, pluies ininterrompues pendant plusieurs semaines, tous ces mots résonnent comme une ode à l’aventure. Avec mon compagnon de cordée Pierrick Fine, nous décidons donc de mettre le Cap vers le Nord en nous ajoutant la contrainte d’être en totale autonomie une fois sur place. C’est donc avec Bob, un beau camion récemment aménagé que nous nous apprêtons à faire les 2000km de bitume à qualité variable qui nous séparent de Fort William, le Chamonikse Ecossais.

Une fois sur place nous décidons sans tarder de profiter des conditions qui paraissent bonnes (un vent inférieur à 80km/h et moins de 20cm de neige fraîche en 24 heures). Un secteur bien raide proche de Glencoe nous semble idéal pour notre introduction au sport national.

L'affûtage des lames de piolets n’est ici guère utile. En effet, les heures d’escalade passées à racler la paroi verticale recouverte intégralement de givre, à donner des grands coups de piolets dans les mottes de terre ou dans les coinceurs pour les faire rentrer au fond des fissures locales, mettent à mal le minutieux travail de la lime.

La difficulté principale de l’escalade écossaise est le placement de protection, ce fameux givre typique qui se dépose sur les moindres recoins de rocher rend l’usage des friends impossible. Il faut donc apprendre à manier des outils plus exotiques comme les coinceurs tricams et excentriques.

Nous passons donc plusieurs jours autour de Glencoe, où nous réussissons à faire deux belles voies plutôt typées mixtes allant jusqu’à un niveau Scottish 8 ce qui correspond chez nous à quelque chose entre le M7 et M8. L’étape suivante se déroule sur le sommet de Grande-Bretagne, le fameux Ben Nevis. 

Il y en a pour tous les gouts et nous décidons de partir sur une voie avec d'avantage de glace: Hadrian’s Wall de la glace en quantité, sorbet à souhait, après une journée presque ensoleillée (il y en a en moyenne deux dans l’année), nous sommes comblés. La fin du séjour est plus compliquée, nous décidons de tenter notre chance dans la fameuse ligne de The Secret. Après avoir regardé une dizaine de fois la vidéo Petzl du trip de 2010 pour bien caler les méthodes. Mais la neige a rempli la belle fissure. Progresser dans cette longueur est devenue un réel casse-tête. Après une tentative d’artif sur excentriques et crochets à glace, nous nous rendons à l’évidence : l’Ecosse a plus d’un secret bien gardé.

Séduis par le Ben Nevis ou complètement refroidis ? Si vous souhaitez découvrir l’escalade mixte encadrée par des professionnels, le bureau des guides Ice Fall propose depuis cet hiver des stages de mixte en Ecosse. Un stage de 8 jours avec pour camp de base le refuge CIC Hut au pied du sommet de l’Angleterre. Toutes les infos ici: https://lc.cx/d2Rp 

 


A gauche: Sommet du Ben Nevis pour Symon Welfinger - A droite dans la longueur mythique de The Secret

Même si l’hiver frappe une fois de plus par son irrégularité, cette saison aura gratifié les glaciéristes de bonnes conditions si tenté que vous ayez été disponibles le bon jour. Si les stalactites et colonnes d’eau fondent désormais comme neige au soleil, il est temps maintenant pour les plus mordus de se diriger en montagne, pour les autres d’enlever un pull et d’enfiler les chaussons pour retrouver le soleil en falaise.

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