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EnQuête d'arbres : explorations dans les forêts Africaines

Laurent Pierron et Jérémie Thomas sont à l'origine de l'association "EnQuête d’Arbres". Elle combine les compétences et connaissances de ces deux grimpeurs experts et créer le lien entre la communauté des arboristes et les milieux scientifiques qui travaillent sur, autour et dans les arbres. Retour sur leur expédition au Cameroun pour l'exploration et la formation de scientifiques dans la forêt de Dja.

11 Novembre 2020

Elagage

La forêt tropicale sous surveillance

Au cœur de l’épaisse forêt tropicale du Cameroun, une file indienne de chercheurs et d’étudiants lourdement chargés se fraye un chemin à travers une végétation dense. Dans leurs sacs, en plus des quinze jours de rations de nourriture, du matériel de bivouac et des multiples appareils de mesures, ils transportent cordes, harnais, casques

Le feuillage des arbres est si épais par endroits, que la lumière peine à pénétrer jusqu’au sol. Une clairière aux abords d’une rivière au faible courant semble être l’endroit idéal pour installer le camp. Malgré son faible débit celui-ci fera office d'approvisionnement en eau pour toutes les tâches de la vie courante. En amont de ses eaux brunâtres se trouve le village de Baka, peuplé par une des dernières tribu de pygmées. Au fil des générations ils ont appris à connaître la forêts et ses moindres secrets.

Nicolas Barbier, spécialiste de modélisation écologique, et Vincent Droissard, botaniste spécialiste des orchidées, sont en charge de cette expédition au Cameroun. Ces deux jeunes scientifiques belges sont régulièrement sur le continent Africain pour leurs recherches. 

 

La troisième dimension, une multiplication des terrains de recherches. 

La forêt regorge de sujets d’études : la botanique, les orchidées, l’architecture des arbres, la télédétection, le calcul de biomasse ou le rendement de la photosynthèse. Mais comme les fonds marins, les forêts ont la particularité d’intégrer une troisième dimension. La hauteur pour l’un, la profondeur pour l’autre. C’est la caractéristique de ces deux biotopes. A titre d’exemple si un scientifique souhaite faire un inventaire d’espèces au sol, il trace une zone de recherche de 10x10 mètres. Il aura dans ce cas 100 m2 à prospecter. En forêt tropicale, si notre chercheur veut inclure les arbres, les plantes et animaux qui vivent dans la canopée, il va devoir inclure dans ses travaux la hauteur. Son terrain de jeu devient alors un volume d’environ 3000m3... rendant sa prospection compliquée et laborieuse. 

 

L’accès en hauteur, nécessite des techniques complexes, c’est en partie pourquoi les forêts et les profondeurs océaniques restent des milieux encore méconnus de l’homme. De nombreuses découvertes sont encore possibles. Afin de mener à bien leurs études, les scientifiques doivent avoir accès à la totalité de l’arbre. Ces dernières décennies, de nombreuses solutions parfois absurdes ont été misent en place pour faciliter l’accès aux arbres : installations de grues dans des milieux isolés, structures gonflables qui se posent sur les arbres, utilisation de griffes* pour l’ascension qui abîment irrémédiablement le cambium* des arbres.

Cette rencontre entre les scientifiques et des arboristes habitués à l’ascension d’arbres en milieu urbains a fait émerger de nouvelles techniques d’accès pour la recherche. Peu dispendieux, nécessitant un équipement léger tout en assurant la sécurité des usagers et surtout n’ayant aucun impact sur la faune ou la flore, c’est désormais cet accès qui prime. Capable de prélever plantes et insectes ou d’installer du matériel en hauteur, les scientifiques utilisent les grimpeurs d’arbres comme un outil pour leurs recherches. D’autres se forment et deviennent indépendants dans ce milieu vertical.

 

Prendre de la hauteur 

Lors de cette mission dans le Parc du Dja au Cameroun, les deux chercheurs sont venus accompagnés de deux formateurs d’EnQuête d’Arbres ainsi que des étudiants de l’université de Yaoundé et des collègues scientifiques. Ce voyage à pour but de combiner recherches scientifiques et formation aux déplacements en hauteur : installer une corde depuis le sol, progresser jusqu’à la cime, se déplacer dans le houppier* sur corde à double ou à simple, manipuler des appareils de mesure. Toutes les techniques propres au métier d’arboriste qu’ils utilisent pour la taille des arbres sont cette fois mises au profit des scientifiques.

C’est une première en hauteur pour la majorité d’entre-eux et le terrain hostile : humidité, insectes, structures des arbres accentue les difficultées. Mais rapidement les progrès se font sentir et c’est désormais à quarante mètres du sol qu’ils évoluent dans la forêt.  Dans le même temps, Nicolas Barbier apprend à ses étudiants à scanner la forêt à l’aide d’un drone, pendant que Vincent Droissard inventorie toutes les essences d’arbres d’une parcelle. Durant la journée, les corps souffrent de la chaleur et des efforts dues aux ascensions. Le soir, les données sont récoltées et analysées au camp.

 

 

Biodiversité, puits de carbone, réchauffement climatique, déforestation, des termes qui sont devenus récurrents dans les médias. Au-delà des mots, la science à besoin de prouver les impacts du monde moderne sur les écosystèmes. En effet, la compensation carbone n’a aucune valeur si l’on ne connaît pas sa quantité exacte. Une plantation de palmiers à huile peut toujours être considérée comme une forêt en Amazonie. De la forêt tropicale du bassin du Congo à celles luxuriantes d’Asie du Sud-est, de nombreuses études surveillent ces biotopes à l’équilibre fragile. Elles visent à noter et quantifier le plus précisément possible les changements qui sont observésDepuis 10 ans, ces scientifiques Belges utilisent les techniques de cordes pour l’accès aux arbres et ainsi compléter leurs recherches. Ils sont désormais des grimpeurs aguerris.

Ces expéditions sont une réelle prouesse tant sur le plan physique que par l’analyse et la compréhension des sujets d’études qui restent complexes. Elles jouent un rôle primordiales pour nos futures enjeux planétaires. 

 

 

Le site internet de l'association EnQuête d'arbres.

La page Facebook 

*Griffes : crampons utilisés sur le tronc de l'abre lors de l’ascension

*Cambium : écorce intérieure de l'arbre

*Houppier : Ensemble des branches et des rameaux

 

Texte :  Laurent Pierron

Photos : EnQuête d'arbres

Rédaction / Mise en page : Antonin Cecchini

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