Taghia, un hiver au Maroc

Chaque année, après les derniers flocons de neige, c'est l'effervescence. Les derniers agités de la spatule ne jurent que par le ski de printemps, tandis que de petits groupes d'irréductibles affutent déjà la gomme de leur chausson. Et si d'aventures le caillou alpin est encore trop froid, ils partent vers de nouveaux horizons. Chauds de préférence, et bien fournis en caillou de qualité s'il vous plait. Car c'est bien connu, l'escalade est moins pénible au soleil. C'est le pari de Marion Thomas, Mathis Dumas, Laurent Thévenot, et Théo Arnaud (et François-Victor Moreau) qui sont partis au Maroc en avril dernier. Là-bas, un lieu résume à lui seul l'escalade méditerranéenne : Taghia.

Imaginez : une journée de voyage depuis Marrakech puis une marche de 2h30 depuis la dernière route, option mules recommandée. Une marche à l'ombre, heureusement, à la confluence de deux canyons profonds. Au fond de ces gorges, une multitude de toits violets, qui en ce lieu paraissent irréels. C'est le côté coloré de l'Atlas. Le Haut Atlas même, car ici, les parois convoitées par les grimpeurs culminent à 2 600 m.
Mieux vaut donc attendre les premières chaleurs printanières pour y trainer les chaussons. Certaines voies présentent des développées allant jusqu'à 600 m. C'est le cas de la face nord du Taoujdad et des "Rivières pourpres". Un chef d'œuvre du calcaire marocain signé par le trio Michel Piola, Benoit Robert et Arnaud Petit.

"Ma plus belle voie en calcaire" affirme même Piola.

Une sacrée aventure en tous cas, avec 15 longueurs soutenues, une subtile alternance de grattons abrasifs et de réglettes fuyantes, un crux en 7c et un gaz permanent sous les pieds. L'équipe aura mis une très grosse journée pour venir à bout de ce morceau de choix.

Douceur de grimpe 

Heureusement, toutes les voies ne sont pas aussi exigeantes et le canyon est aussi un lieu de détente et d'escalade plus abordable. Après le traditionnel thé à la menthe au village, quinze minutes de marche à peine mènent à trois belles voies classiques de la paroi des Sources : Classe Montagne Epinal (6c+), Belle et berbère (6b+) et Zebda (7b+). C'est là que le groupe prend ses marques et découvre le calcaire magnifique de Taghia. Puis vient le temps de sortir des sentiers battus pour rejoindre Libiti Bito (ED+, 280m, 7b) après deux heures de marche. Cette fois, l'ambiance est à l'aventure et c'est Marion Thomas qui s'y frotte. La première longueur en 7a+, terreuse et à l'équipement aéré, lui laissera des souvenirs impérissables. L'équipe fera d'ailleurs demi-tour au deuxième relais, constatant que la suite de la voie n'est pas plus engageante. C'est là aussi le sel de l'aventure que de savoir renoncer à temps. 
 

Taoujdad

La belle pyramide du Taoujdad propose de nombreuses voies sur ses différentes faces. C'est en l'occurrence la sud-ouest qui intéresse le groupe dans un premier temps, avec Au nom de la réforme (6c, 600m), attaqué à mi-paroi, ce qui en réduit la longueur de moitié. Une réduction du temps de travail qui permet ensuite aux grimpeurs d'aller se frotter à la face sud dans Tout pour le club (7c), une voie qui se fraye un passage dans les murs compacts du Taoujdad, flirtant par endroits avec les fameux "passages berbères", ces amoncellements de pierres et de branches qui permettent d'accéder au canyon ouest et qui défient les lois de la gravité. C'est aussi cette aventure là que tous sont venus chercher, loin des escalades faciles et balisées, même si le travail de Christian Ravier offre aujourd'hui un topo de qualité permettant de s'orienter au mieux dans les nombreux secteurs de Taghia. Mais pour explorer un peu plus, une seule solution : revenir y passer quelques chaudes journées lorsque l'hiver alpin est déjà installé.

En savoir plus : 

Retour en vidéo:  https://www.youtube.com/watch?v=MTEuNJ3mQNs