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Maewan Adventure Base, Lionel Daudet raconte la première étape en Islande

Maewan Adventure Base ; c'est un voyage de quatre ans autour du monde pour parcourir des régions inexplorées du globe, accessibles par la mer uniquement ; comme le présente Erwan le Lann, capitaine de l'expédition. En mars dernier le voilier Maewan se trouvait en Islande avec à son bord Lionel Daudet. Il nous raconte cette aventure mêlant navigation et ascension à travers un texte décalé et poétique.

28 Avril 2015

Alpinisme

© G. Vallot
Quelques minutes avant de larguer les amarres sur les pontons de l'Aber Wrac'h, le 8 février 2015.

Présents dans ce récit (de gauche à droite sur la photo)

Guillaume Vallot : journaliste/alpiniste
Lionel Daudet : alpiniste
Erwan le Lann : capitaine et chef d'expédition
Jeanne Grégoire : navigatrice
Aymeric Clouet : alpiniste

Un mélange d’haïkus et de souvenirs…

Le froid le froid-
L’eau bleuit
Le ciel se rétrécit

Sôseki

Le voilier fend tranquillement la mer, c'est la nuit et les premières étoiles apparaissent comme autant de lanternes indiquant la route à suivre. Bas sur l'horizon, campé sur les côtes islandaises, un phare lance des éclats réguliers. Clins d'oeil complice à l'attention des vagabonds des glaces.
L'esprit divague dans ces moments où, définitivement, nous prenons possession du temps.
Et voilà que, par une étrange distorsion, Maewan se transforme en un vaisseau spatial, une sorte d'Enterprise à la Star Trek. Je suis à la barre, emmitouflé jusqu'au blanc des yeux et il me semble quitter les flots, passer en vitesse supraluminique, ouvrir la porte d'un nouveau monde, m'y engouffrer… Car au-dessus de ma tête et du mât :
Un chatoiement de subtils voilages, un feu follet, une farandole d'elfes et de fées, une danse de foulards célestes illuminent le ciel noir, l'occupent dans toute sa largeur, s'installent aux creux des étoiles. Spectacle mouvant, des arabesques, des zébrures, des circonvolutions dessinent de mystérieux alphabets. Sommes-nous seulement capables de les déchiffrer ?
A mes côtés, Kirk Wawann s'extasie : "dingue ces aurores boréales !"
Et moi de renchérir : "le genre de spectacle qui vous aide à croire en Dieu !" Enfin le propos n'est pas à la dissertation mais il n'empêche :
Quand une coupole de lumière semble plonger sur nous, Kirk Wawann s'exclame : "le plafond de la chapelle Sixtine !" La création d'Adam, un doigt de lumière vient nous effleurer…
Il n'y aura pas de photos de ces moments "mystiques" (une pose lente eût été nécessaire, impossible avec le bateau qui bouge) et c'est finalement tant mieux.

Nuit de givre-
Comment dormir
Quand la mer ne dort pas ?

Masajo

De nouveau la barre dans le silence qui crisse, de nouveau cette lente plongée dans les souvenirs, et les sourires qui naissent sur des lèvres figées.
A terre avec Jeanne, partis se dégourdir les jambes, le buste courbé en avant pour contrarier le vent fou, une rencontre :
Un type que l'on prend d'abord pour un alcoolo, mais c'est simplement le vent qui le fait grimacer et déformer ses traits, moduler bizarrement sa voix. Notre hôte nous invite dans sa ferme des Féroes. Nous découvrons un intérieur propret, cosy, en totale opposition avec notre première impression. Dehors, la mer en furie fracasse les falaises voisines. Sa femme nous propose :
-    Un thé ?
-    Bien volontiers !
-    Du coup, vous avez droit aux spécialités locales : gras de baleine, jarret de mouton séché…
En s'emparant du petit morceau blanchâtre à l'odeur de rat crevé, Jeanne me glisse tout bas, profitant d'un moment d'inattention de nos hôtes charmants : "j'ai juste envie de vomir"… Et je me demande si cela ne va pas vraiment arriver quand je la vois blêmir en mâchouillant ce truc infect, innommable, au goût décidément trop semblable à l'odeur…

Le bruit de la cascade
Se fige-
C'est la fin de l'année

Kineo

© G. Vallot
A gauche : Erwan à la sortie givrée de "La voie de la Comtesse", première de la face nord d'Holmatindur. A droite : Aymeric dans la longueur clé.

Enfin une cascade ! Cela commence à m'inquiéter, ces voyages où je navigue plus que je ne grimpe. Où je deviens plus un homme chaloupant qu'un homme escaladant. Et je ris, d'un rire franc et sonore qui va s'étouffant dans les neiges environnantes. Il est des moments, comme cela où l'équation du bonheur se résume juste à :
-    de bons compagnons (merci Aymeric !)
-    une belle ligne  (droit à l'aplomb du sommet)
-    un paysage qui souligne ce lieu à part : la glace sur laquelle nous esquissons des entrechats, le givre qui couvre de plumes des orgues de basalte, la langue bleue du fjord et un tout petit point mille mètres plus bas notre bateau notre camp de base.
Oui, juste cela. Et rien de plus.

© G. Vallot
Surplombant le fjord d'Eski, Dod et Aymeric se projettent déjà dans de nouveaux jeux.

Peu à peu mes poumons
Se teignent de bleu-
Voyage en mer

Hôsaku

Si Aymeric arrête un jour l'alpinisme, nul doute qu'il se reconvertisse dans la pêche : à voir son sourire enfantin et entendre ses cris de joie quand il remonte de magnifiques cabillauds. Si Wawann participe à l'allégresse générale, il n'en laisse rien paraître : imperturbable, il tord la tête de ces pauvres poissons qui nous fixent de leurs yeux globuleux et désolés. Drôle de destin, tellement improbable, que de finir ainsi, le soir même dans notre assiette, en curry, pané ou tout simplement à la poêle. 
Il est une variante aisée de la pêche que nous expérimentons aussi : il suffit d'accoster dans le port juste à côté des bateaux de pêche. Chaque fois que l'un d'entre eux revient, nous n'y coupons pas. Nous avons droit aux sempiternels : "prenez tout ce que vous voulez !" quand ce n'est pas le manitou qui klaxonne pour nous servir à domicile. Gentillesse des islandais qui invariablement, nous prennent pour des fous…

© G. Vallot
A gauche : Maewan au départ de Bretagne. A droite : la face nord d'Holmatindur dans l'Eskijfördur.

Profond
Plus profond encore
Dans les montagnes bleues

Santôka

Certes, dans cette histoire point de vent des croix qui se serait abattu sur l'Islande mais finalement : était-ce l'essentiel ?
N'était-il pas plus important, ce vent de l'aventure qui ballote le petit voilier d'aluminium ? N'est-ce pas ce même souffle qui nous fait inspirer, expirer, prendre conscience de ce que vivre peut signifier ? L'aventure est toujours aussi inutile que belle, et il est des questions – pourquoi ? Auxquelles on ne peut répondre que par un vaste sourire quelque peu embarrassé. Mais demande t-on pourquoi à un musicien s'amusant à souffler dans sa trompette ? Non, on l'écoute. Et c'est exactement ce que nous avons fait en Islande : écouter. Le mugissement des flots, le friselis de la coque cassant une mince pellicule de glace, le vent, et par-dessus tout le silence.

Parti en mer
Le vent hivernal
Ne sait où revenir

Seishi

J'ai envie de revenir. Déjà. Envie que de nouveau le froid embrasse l'eau, la serre dans ses bras. Envie de dessiner des chemins verticaux, sur les lignes blanches des parois du Horn. Envie folle de crayonner ces faces au-dessus des eaux glacées. Comme avec une craie sur un tableau d'écolier où j'écrirai en très gros : vive la vie !

Nuit sans fin-
Je pense
A ce qui viendra dans dix mille ans

Shiki

Une planète de glace ? Une planète couverte de cerisiers en fleurs ? 
Une planète en paix ou en feu ? Avec ou sans hommes ?
2h du matin, il fait nuit, je barre, toujours les aurores boréales, Guillaume arrive, m'extirpe de mes réflexions, à regret aller me coucher, à regret bientôt quitter Maewan. C'est ma dernière nav'. Allez, petit bateau, continue bien ton bonhomme de chemin, au Nord ! Continue bien à nous raconter de belles histoires. Nous en avons tellement besoin.

© G. Vallot
A gauche : descente tardive sur Reydarfjördur. A droite : Dod et Aymeric dans la partie givrée de "La voie de la Comtesse". 

© G. Vallot
L'arrivée de Maewan en Islande, sous spinnaker (voile hissée à l'avant) s'il vous plait!

Lionel Daudet

Suivez la progression de Maewan

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