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Réveillon sur l’Éperon Tournier pour le GEAN

L’objectif du GEAN est de former des alpinistes de hauts niveaux en France. Petzl accompagne la fédération française des clubs alpins et de montagne dans ce projet. Durant deux années les athlètes du GEAN participent à des stages et organise une expédition afin d’acquérir les compétences et le savoir-faire nécessaire pour une pratique poussée de l'alpinisme. Petzl a souhaité faire bénéficier de l'expérience de ses athlètes au groupe. Sébastien Ratel a accompagné Nasser Hanani et Pierrick Giffard pour une répétition hivernale de l'éperon Tournier aux Droites.

3 Février 2020

Alpinisme

Coucher de soleil à Argentière et sur le massif des Aiguilles Rouges.
 
Le 26 décembre, c’est indiscutable un créneau météo semble se dessiner. Ça ne tombe pas bien, je suis en vacances en famille. Je sonde quand même auprès des membres du GEAN pour savoir s’il y aurait quelques motivés pour un projet hivernal.
Ah les bougres ! Pierrick et Nasser sont chauds bouillants. Ils aimeraient bien grimper le Tournier direct aux Droites. Il faut apprendre à saisir le créneau.
Le 28 décembre, la météo se confirme, je rentre chez moi en stop pour récupérer ma voiture et mon matériel. Demain nous nous retrouvons à Chamonix pour préparer la course. Cette phase est très importante, c’est ce nous voulons transmettre. Nous consacrons une demi journée pour organiser les sacs. Gérer une course sur quatre jours en hiver n’a rien d’anodin.
Le 30 décembre à midi nous sommes au pied du mur. Ce premier jour je me laisse guider par mes deux poulains. Tout déroule. Une belle vire nous tend la main vers 17H. Ils hésitent à continuer. Dans ce genre d’entreprise il faut gérer son effort. Je leurs propose de fixer notre corde au-dessus pendant qu’un autre préparera le bivouac. A la lueur de nos frontales nous rejoignons notre terrasse où Pierrick nous a préparé un thé.
 
 
L'hiver tout devient plus laborieux.
 
Le 31 décembre, après une nuit assez douce, nous remontons de nuit notre corde fixe et attaquons à l’aube. Les journées étant très courtes nous optimisons le temps. En milieu d’après-midi je passe en tête pour les longueurs débonnaires en condition estivale. En hiver tout est différent. Ce sont de belles longueurs d’arêtes exposées. Nous arrivons à une brèche. Nous recommençons notre petit manège : deux grimpeurs et un terrassier. En guise de fête nous trempons les lèvres dans une flasque de Génépi.  Il faut bien reconnaître que ce n’est pas très agréable ! Nous vidons le reste dans la neige …
1er janvier, nous nous levons à l’heure ou beaucoup ne sont pas couchés… La grimpe est sensée être plus facile. Encore une fois en hiver tout est différent. Nous espérons arriver au sommet avant la nuit. Au-delà du niveau technique, il faut surtout apprendre à grimper vite et de manière sûre. La fatigue et le poids du sac se font sentir. La gestion de l’effort, de l’hydratation et de l’alimentation prennent tout leurs sens. Les dernières longueurs en glace noires ne font que confirmer cela. A la tombée de la nuit 3 sourires se dessinent au sommet des Droites. L’émotion est palpable. Puis soudain la prise de conscience de l’engagement nous rattrape. Nous sommes de nuit à 4000m d’altitude, le massif est quasiment vide et le vent souffle. J’avais envisagé de redescendre en rappel versant Nord dans la Davaille. Même si cela est assez impressionnant, nous devrions retrouver nos skis et rester constamment « attachés » à la paroi. Pierrick et Nasser me regardent descendre à vue dans le noir d’un air perplexe.
2 janvier, après une vingtaine de rappels nous franchissons la rimaye. Vers 3h du matin nous arrivons à notre voiture. Exténués mais ravis. Nous avons vécus une vraie aventure.
 
 
Dernier bivouac avant les pentes de glace sommitales.
 
 
Il y a 12 ans tu étais à la place de Nasser et Pierrick. Comment as-tu vécu ton passage du côté des encadrants ?
 
Deux choses m'ont marqué.
Lorsque j’avais réalisé No Siesta avec Stéphane Benoist, je n’avais pas réalisé le poids qui reposait sur ses épaules. L’engagement et le niveau technique de ce genre d’entreprise est assez fort. Il faut pourtant laisser la place à l’expérimentation. Les jeunes doivent grimper, il faut accepter que l’on ne maîtrise pas tout… Le but est de les mettre dans les meilleurs dispositions pour qu’ils puissent s'exprimer.
D’autre part j’ai beaucoup apprécié transmettre mon savoir-faire et mes petites astuces. Il n’y a pas de manuel pour ça. Dans la montagne hivernale, la grimpe ne représente que la moitié de l’ascension. Tout le reste est stratégie et gestion. C’est pour ça que j’apprécie beaucoup cette pratique. 
 
Qu'elle est pour toi l’importance de ces courses dites « à la carte » ?
 
Pour faire de grandes courses on peut soit planifier à l’avance et miser sur la chance. Soit fonctionner à la carte pour saisir les bonnes conditions et constituer une cordée motivée pour un même projet. D’autant que pour moi, pour réaliser de belles hivernales il faut savoir saisir le créneau. Bien sûr ça ne tombe jamais parfaitement bien. Mais il faut s’organiser. Dans notre cas il a fallu bousculer nos emplois du temps. Cela fait aussi partie des apprentissages.
 
Avec le recul aujourd’hui qu’est-ce que t’a apporté le GEAN ?
 
Beaucoup ! J’ai d’abord appris la logistique et la stratégie pour les grandes courses. J’ai découvert aussi mes possibilités. Enfin et surtout, j’ai rencontré des copains, des partenaires de cordée et d’expé. 
 
Est-il pour toi un passage obligé pour un futur alpiniste de haut niveau ?
 
Rien n’est obligatoire ! Mais pour moi qui ne suis pas né dans un environnement montagne, ça a été un véritable tremplin. Un gain de temps énorme, j’avais soif d’aventure et j’ai été comblé. Ça m’a aussi évité de faire pas mal de bêtises, tu apprends auprès de gens qui ont une expérience énorme...
 
L’an dernier 3 membres du GEAN ont réalisé la première répétition hivernale d’écaille épique que tu avais ouverte dans cette même face nord des Droites peu de temps après ton passage au groupe, un mot sur cette voie ?
 
Je suis très content qu’elle est été enfin reprise. Je constate l’évolution du temps. Pour moi à l’époque c’était novateur une voie autant pure dry. Aujourd’hui c’est classique, les gens vont plus vite, ils n’hésitent pas à essayer en libre à vue. 
 
Un récit d’écaille épique à retrouver prochainement sur Petzl.com
*GEAN: Groupe Excellence Alpinisme National de la fédération française des clubs alpins et de montagne
*GMHM: Groupe Militaire Haute Montagne 

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