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Cascades de glace aux 4 coins du globe

Le peu de neige tombée ce début de saison ne présageait pas de conditions exceptionnelles en glace cette année. Mais début de l'année une vague d’air froid venue de Scandinavie s’est invité en Europe pendant quelques semaines. Lames affûtées et avant-bras contractés, retour sur cet hiver en France et à l’étranger.

30 Mai 2017

Escalade sur glace

 

Bramans et la Maurienne : le tube de l’hiver

Malgré cette saison pauvre en précipitation, on a commencé à voir quelques lignes se former au milieu du mois de décembre en Maurienne. Les locaux à l’affût des conditions ne mettront que peu de temps à dégainer leurs piolets. Les sorties incessamment déposées sur les réseaux sociaux, les fils d’actualités Facebook se transforment alors en de vrais cahiers de sorties camptocamp. Il ne reste plus qu’à choisir sa cotation, son emplacement et la longueur en faisant défiler le contenu des pages pour finir par tomber sur la cascade de ses rêves.

Des conditions exceptionnelles se forment dans un canyon au-dessus de Bramans en Maurienne et un réel « Glacenost » s’installe. La fameuse cascade ouverte en 1989 par F.VALET & M.MALVOTI n’est que peu souvent en conditions mais cette année elle a été particulièrement fournie. Véritable ruée vers la glace, elle sera parcourue jusqu’à trois fois par jours !

 

Glace de nuit 

Texte: Antonin Cecchini

"Très tendance cet hiver, la cascade … de nuit. Bénéficiant d’une température plus fraîche, la glace est parfois dans de meilleures conditions passée le couché du soleil. Les lampes frontales sont aussi plus puissantes et plus compactes ce qui permet un éclairage aisé et beaucoup plus confortable pour grimper. La glace, joue le rôle d’un diffuseur de lumière qui laisse apercevoir la ligne et les possibilités de frappes de manière quasi instantanée. On reste très concentré sur ses appuis, le calme de la nuit et l’absence de visibilité autour de soi procurent une sensation particulière, le vide ne se fait plus ressentir et lorsque l’on grimpe, on rentre dans une bulle qui est grisante."

 

© Pierre Chauffour

Les photographes ont su profiter de ses instants magiques. Ici la cordée Alexandre Henot et Antonin Cecchini dans cadeau surprise (VI +) une variante de la dernière longueur de Glacenost. 

 

La nuit des longs ergos

Quelques dizaines de mètres plus loin, "Les Visionnaires" bénéficie de très bonnes conditions aussi. Mélange entre dry-tooling et glace fine, c’est le type de voie bien en vogue actuellement. L’évolution du matériels mais aussi le niveau des grimpeurs a bien évolué ce qui explique l’affluence dans cette voie.

Lors de l’ascension Sébastien Ratel et Max Bonniot, repèrent une ligne qui se formait sur la droite. Imaginant une possible ligne, c’est perfo au baudrier qu’ils décidèrent d’aller explorer cette formation de glace aux sections raides et entrecoupées de grimpe mixte. 

Seb Ratel nous raconte :

"Ouvrir une voie, notamment en glace ne se planifie pas. Il faut savoir saisir l’instant. De nombreux glaçons pendaient dans un dévers se terminant par une magnifique longueur de glace. L’idée d’ouvrir était tentante. Nous descendons en rappel à côté de celle-ci, en espérant y trouver quelques fissures pour pouvoir connecter les stalactites. Cela semble possible. Nous rentrons nous reposer tout excités à l’idée de tenter quelque chose de nouveau.

L’équipement se fera sur spits afin de pouvoir grimper en libre. Le jeu va être de grimper jusqu’à pouvoir se poser sur un ancrage précaire (piton ou piolet) afin de percer le rocher pour y placer un point. Puis dans un second temps grimper en libre toute la voie.

Au matin Max commence le travail. Il visse une dernière broche avant de partir dans le rocher. Quelques pas de grimpe plus tard il se vache sur son piolet coincé dans une fissure et pose un point. Il continuera ce petit procédé sur une vingtaine de mètres. Je pars en second pour essayer de libérer la longueur. Encouragé par mon leader je me débats. Je rejoins le premier glaçon où je me coince pour me reposer et récupérer mes doigts engourdis par le froid. Je continue avec une seule idée fixe : ENCHAINER.

 

Seb Ratel en finit avec le mixte de L1 (M7+ 50m)

 

La suite paraît plus incertaine en terme de libre. La glace disparaît sous un petit surplomb. J’essaie de grimper en me faisant le plus léger possible avec un perforateur, un marteau et quelques kilos de métal en tout genre. Les quelques mètres de grimpe entre chaque point m’use physiquement et mentalement. Hésitation permanente entre ne pas trop taper avec ses piolets pour ne pas casser la glace et assez pour se pendre dessus. J’arrive à la fin de la glace. Le bombé en rocher est juste là. Contrairement à en dessous, il n’y a pas de fissures. Seuls quelques petits ancrages se dessinent. La grimpe paraît bien aléatoire. Je passe en artif juste avant la nuit, pour le reste on verra demain…

Deuxième jour. Un peu stressé car notre but est d’enchaîner en tête chaque longueur et sortir la fin en glace. Max se lance méthodes en tête. Il gère son effort, ça passe. Cool !

À mon tour. Le début se passe bien. Puis vient le rocher. Je laisse échapper quelques « fais gaffe » sur les premiers ancrages aléatoires. La fin est proche, encore deux pas et je me rétablis. Je commence à y croire mais j’ai les bras enflés par l’effort. Je cherche une solution mais rien ne marche. Je crois enfin avoir trouvé, je monte sur mon pied, j’y suis presque ! Puis je zippe et retombe sur mon piolet. Miracle je ne suis toujours pas pendu dans la corde. À cet instant je sais que si je tombe je ne réessayerai pas. Pas le courage… Dernière tentative, je remonte sur mon pied et attrape la prise salvatrice. J’en oublie mon piolet qui tombe une cinquantaine de mètres plus bas. Tant pis, à partir d’ici je peux terminer avec un seul !

Arnaud Bayol nous rejoins pour la dernière longueur, motivé par cette dernière partie, il s’y colle. Il grimpe doucement, prudemment sans taper sur cette structure fragile. Il franchit le surplomb et termine proprement notre voie. 2 jours pour "La nuit des longs ergos", 120M, M8, WI6+."

 

Arnaud Bayol dans la dernière longueure en glace fine (VI+/35m).                                                                                

 

De belles conditions dans le massif du Mont Blanc 

Texte: Jeff Mercier

"Si l'escalade glaciaire se caractérise par 2 mots, éphémère et exigeant, "Shiva Lingam" en est l'icône absolue. Indépendante de la gangue glacée uniforme qui recouvre la majorité du secteur, verticale à n'en plus finir, éclatante comme le saphir quand elle touchée par l'astre solaire, elle est "La cascade".

De par son orientation Sud et sa situation dans un canal d'arrivée de ce vent chaud qu'est le Foehn, il ne faut jamais tarder à la parcourir. Et si ce n'est pas la température, se sera l'exposition au risque nivologique qui pourra rapidement en fermer l'accès. Mais c'est surtout l'exigence qu'elle dégage qui marque les esprits. Et même avec quelques grades 6 au compteur, je sais que sa raideur et sa hauteur ne sont jamais à sous-évaluer. Dernier détail d'importance, ici depuis trente ans, les spits au relais n'ont et n'auront jamais droit de séjour."

 

Jeff Mercier profite du soleil dans le cigare final de Shiva Lingam (VI+/150m)                 Seb Ratel dans la glace froide d'Errance (V+/200m)     

 

Quelques kilomètres plus loin en direction de la frontière Suisse,  Pierre Labre et Sébastien Ratel ont réussi à trouver de bonnes conditions dans la cascade d’Errance dans le hameau du Trient. Cette cascade haute de 300 mètres possède deux parties Errance et Délivrance, dans une succession de grade IV au grade V+. Le tracé combine astucieusement un passage entre les stalactites et glace aérée.

 

Glace à l’étranger, un dépaysement garanti

C’est en Norvège, paradis réputé du glaçon qu’Aymeric Clouet et Philippe Batoux ont décidé de se rendre pour aller explorer les cascades sauvages des fjords d’Eidfjord.

Texte : Philippe Batoux

"Depuis le début de l’hiver, je guette les stations météo du Sognefjord. Ce fjord de 200 km remonte depuis Bergen loin à l’intérieur des terres Viking. Des falaises yosemitiques bordent les rives et avec de belles périodes de froid des lignes d’un km poussent parfois au-dessus de la mer. L’attrait de la Norvège est son abondance de cascades et l’absence d’informations sur les ascensions. Des centaines de lignes sont visibles de la route mais il n’existe aucun guide exhaustif de cet eldorado de la cascade et chaque ascension est comme une première, sans information la cascade se dévoile au fil de l’ascension. 

Tout comme en France l’hiver norvégien est désespérément doux et je doute de pouvoir aller grimper au pays des Trolls. Finalement, début février les températures chutent enfin et les prévisions ne dépassent pas -10° pour les 10 jours qui suivent.

Aymeric Clouet est motivé et nous partons ensemble pour Oslo.

Nous filons vers Eidfjord. Cette année il n’y a aucune neige. En février 2013, avec Olivier François nous avions fui cet endroit alors qu’il tombait des tonnes de neige et rendait l’accès aux cascades trop exposé. Si le manque de neige limite totalement le risque d’avalanche, l’inconvénient est que les cascades sont moins alimentées et donc moins formées.

Le site phare d’Eidfjord est le fantastique mur de Mab0balenun mur de 400 m de haut et large de plus d’1 km, des dizaines de 6 / 6+ s’y côtoient. Mab0dalen est assez bien formé mais les températures trop douces ne nous incitent pas à aller bronzer au soleil. Nous grimpons trois jours à Eidfjord puis les températures remontent et nous décidons de chercher la fraîcheur en altitude : les 600 m de Hemsedal.

Hemsedal est célèbre pour son splendide mur de boules glacées : Hydnefossen. Cette ligne exceptionnelle est visible de partout dans la vallée. C’est un mur ensoleillé de 400m de large  et 150 de haut. Une multitude de lignes est possible, avec des difficultés variées. Nous optons pour une ligne qui chemine entre d’énormes méduses de plusieurs mètres de diamètre. Le rêve !

Même avec un hiver très doux la Norvège offre des lignes magiques, mais il faudra y retourner pour des grandes lignes à travers les big walls…"

 

Aymeric Clouet dans les pétales du mur de Mab0balenun.

                     

Ice trip au Canada

Si la Norvège connait un de ses hivers les plus chauds depuis quelques années, les glaçons peinaient aussi à se former de l’autre côté de l’Atlantique où Jeff Mercier s’est offert quelques belles lignes au pays des caribous.  

Texte : Jeff Mercier

"Comme le Rap US, les 2 côtes du Canada offrent deux styles opposés. Si la West coast est synonyme de plaisir de consommation de glace : conditions stables, chemins tracés, approches et temps de trajets modérés.

Coté East, c’est comme le rap...  moins funky!! À peine sortie de l'aéroport, on ressent un truc bizarre, un truc qui pique sans complaisance....bon sang mais c'est bien sûr, c'est le froid, enfin le vrai, -20° à l'abri du vent... D'un coup, on s'imagine moins pendu à un relais ou encore beaucoup moins grimper sur un fin pilier ou toute autre structure qui ne collerait pas le rocher sur la majorité de sa hauteur.

Pour ce voyage, je voulais profiter au maximum des grandes cascades situées au nord du pays, dans la région de Sept-îles. Premier objectif, le pilier Simon Proulx. Sur le papier, enfin sur le topo, l'approche n'est pas monstrueuse, environ 5km à plat, une broutille !! Sauf qu'avec 40 cm de neige fraîche, 40 km/h de vent et un bon -25°, le pays de la poutine nous souhaitait le bienvenu à sa façon. 4 heures nous serons nécessaires, pas le temps de grimper le beau pilier mais largement assez pour batailler ferme dans la première longueur du mythique "Appartement". Le manque de glace et l'impossibilité de se protéger sur le rocher me contraigne à l'abandon. Pas grave, l'escalade était belle et surtout la trace d'accès au beau pilier sera en place...sauf qu'au retour la trace n'est plus la ! Effacée par ce vent de dingue qui n'en finit pas, le lendemain risque d'être compliqué ! Pour l'heure, nous sommes affamés. Une poutine, une pizza et un bon gros gâteau nous mènent à l'évidence : C'est en moto-neige qu'il nous faut y aller.

La tête pleine des conseils de prudence du loueur, on réussit le challenge de se planter après 5 minutes de conduite !!! La moto engluée dans un bon mètre de neige fraîche, dans un talus contre un arbre, la totale. Une heure de lutte et un local pointe le bout de son ski-doo. On passe pour des bonnes luges à foin mais 10 minutes plus tard, on est des luges à foin soulagés mais surtout motorisés ! Passée cette aventure, l'escalade est une formalité. Peu rassurés sur nos qualités de pilote, on s'oriente vers un mode de transport plus fiable et moins dépendants de nos errances : le train ! Nombreux secteurs ont été ouverts à proximité de la ligne ferrée reliant Sept-îles aux contrées du Nord. Gros avantage ils s'arrêtent quasiment sur demande. Après environ 100km, les cheminots font ralentir le convoi pour que nous décidions de l'arrêt ! La plage horaire du retour reste est large, entre 16 et 19h. Même si les conditions ne sont pas excellentes, on se régale de glace raide ! L'éloignement et l'absence de moyen de communication modèrent nos ardeurs car associés au froid extrême qui fragilise les structures, ici la blessure n'est pas envisageable. C'est d'ailleurs la constante sur les différents secteurs que nous avons pu visiter."

 

Jeff Mercier et Nasser Hanani dans les grands murs de glace marrons dans la région de sept Sept-îles.

 

Un hiver intense mais bref

Une saison de glace brève mais avec de très bonnes conditions qui aura su profiter aux glaciéristes opportunistes. Malgré des conditions sèches cet hiver la Scandinavie et le Canada restent des destinations phares de la glace avec des structures et des températures très différentes de ce que l’on peut rencontrer habituellement en France. Plus qu'un entraînement pour la saison de glace, le dry-tooling est pratiqué par de plus en plus de grimpeurs ou galciéristes. Des trous forés dans des toits aux dalles avec coincements naturels, les sites pour s’entrainer se multiplient et permettent aux alpinistes de progresser en terrain mixte. Ne nécessitant pas de conditions de particulières, on peut ainsi pratiquer le dry-tooling et s’entrainer tout au long de l’année.

À vos piolets !

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