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Daniel du Lac ouvre "Vuelo sin Piloto" à Ténérife

Début avril 2015, Daniel du Lac, Luc Devantay et Guy Abert ont ouvert la voie "Vuelo sin piloto" (7a) à Ténérife, en hommage aux passagers du vol Germanwings 9525 du 24 mars 2015. Une ouverture atypique, déroutante et extrêmement impressionnante sur un rocher volcanique de tufs noirâtres et de coulées de lave. Daniel du Lac raconte cette ouverture et partage le topo de cette voie.

30 Juin 2015

Escalade grande voie

Voilà bientôt 6 ans que Guy Abert me parle de Ténérife !
"Il y a des parois de 600m, vierges, on devrait y aller" disait-il. 

Quand on parle d'équiper en grande voie, tous les équipeurs savent que c'est un gros chantier ! D'autant plus que ces falaises sont vierges parce qu'elles ont la réputation d'être en mauvais rocher. Alors ça a traîné avant que l'action l'emporte sur la raison. 
 

Un cadre idyllique...

Les parois de "Los Gigantes" surplombent l'océan. L'approche se fait en zodiac, une petite crique et sa plage de galet pour débarquer et réembarquer à l'abri de la grosse houle nous accueillent chaleureusement. C'est un endroit idyllique pour bivouaquer ! 

L'équipement de la paroi : une aventure physique et mentale

Après quelques jours d'acclimatation et de repérage en zodiac, on trouve LA ligne! Enfin, vu du bas... On a donc commencé l'équipement de la voie avec beaucoup de doutes et appréhension. Heureusement, avec Guy Abert et Luccio Devantay, quoiqu'il arrive l'important c'est de passer de bons moments entre copains.

Jusqu'à L6, nous avons pu fixer quelques cordes afin de gagner un peu de temps et d'énergie pour continuer à ouvrir. Mais au-delà, nous grimpions les longueurs déjà ouvertes pour continuer à partir du point le plus haut atteint la veille. Cela nous évite de transporter trop de matériel. En plus, la paroi faisant beaucoup de ressauts, le sac de hissage se coince très facilement. Inutile donc de se charger pour dormir en paroi. Ainsi, tous les deux jours nous retrouvions la civilisation pour charger les batteries, et se reposer un peu.

L'idée est que la voie soit durable, abordable et attractive pour les répétiteurs. L'équipement est donc plutôt "confortable" pour une grande voie. 

La première difficulté, c'est d'abord de trouver la bonne paroi avec la ligne qui nous inspire. Surtout ici, le rocher ayant une réputation d'être vraiment pourri, on pouvait vite se retrouver dans une impasse. Mais Guy avait vu juste, les grandes traînées claires qui rayent les falaises verticalement sont en bon rocher. Il s'agit de coulées de lave alors que le reste des parois est soit une sorte de "conglomérat" soit du "tuff" volcanique.

© Daniel du Lac - "Vuelo sin piloto" Tenerife

À cause de la mer, le bas des parois est souvent plus érodé. Le rocher est donc poli, plus vertical, voire surplombant. Comme nous recherchions avant tout une ligne de faiblesse pour ouvrir une voie homogène, il ne s'agissait pas d'avoir une première longueur en 8 et tout le reste en 6!
C'est pour cela que nous avons attaqué dans un "pudding" sur la droite de la paroi avant de rejoindre une coulée de lave au bout de deux longueurs et demie. Dans ce début, la difficulté tient à trouver les emplacements en rocher sain pour percer et fixer nos amarrages.

Ensuite, la coulée est souvent surplombante et sectionnée en sorte de cubes qui forment des arrêtes parfois tranchantes. Le casse-tête est encore de trouver les bons placements pour les amarrages : sortir les points, éviter les frottements, aligner les points, éviter les becquets ou arêtes qui pourraient endommager la corde en cas de chute, protéger les pas, éviter les retours sur vires… d'autant plus lorsque les longueurs font entre 40 et 50 mètres. 

Ce qui est impressionnant en tête et à l'ouverture, c'est de devoir nettoyer les cailloux instables, voire de "purger" certains blocs ! 
Là, les cailloux volaient presque tellement ils prenaient de la vitesse avec la hauteur ! Le moindre impact avant le sol et les pierres partaient dans n'importe quelle direction pour s'échouer en mer parfois à 200 mètres du pied de la paroi ! 
Alors, bien que tous les relais ou relais auxiliaires permettent à mes seconds de cordée de se protéger, c'est crispant ! 
Un facteur à prendre en compte aussi : à partir de 13 heure, la paroi passe au soleil ! Et s'il n'y a pas de vent, on grimpe sur un rocher noir à 45°C et on cuit littéralement !

Côté protection et escalade traditionnelle : impossible de se protéger sans les plaquettes ; peu de possibilités d'amarrages naturels, les bons emplacements pour les friends ou les coinceurs sont très rares. Quant aux pitons, si on avait pu en placer dans certaines longueurs, ça n'aurait pas été suffisant pour se protéger correctement sans risquer une chute mortelle.
Peu d'endroits aussi pour placer un crochet goutte d'eau afin de s'alléger et percer plus confortablement. Alors, il faut se tenir d'une main et percer de l'autre ! Quand le rocher est douteux, pas nettoyé, avec des "chips" en surface et que c'est surplombant, c'est couteux en énergie ! Mes épaules et avant-bras s'en souviennent encore !
Heureusement, le rocher est assez sculpté ! Un peu à la manière des "tafonie" et j'ai pu souvent trouver de bonnes positions pour ne pas trop m'épuiser à chaque perçage.
Avec la présence permanente de la mer et du ressac grimper devient très impressionnant, alors, j’ai souvent eu le vertige ! C’était donc assez épuisant nerveusement.
 

Caractéristiques et topo

L'ambiance vertigineuse, le "gaz" permanant, les relais conforts et protégés. Un rocher atypique, une voie homogène qui se grimpe assez vite et des rappels qui vont vite aussi, "Vuelo sin piloto" est une voie qui vaut le détour ! Si le rocher ou le gaz seront déroutants pour les répétiteurs les moins habitués, je pense que c'est une envolée verticale qui laissera de grands souvenirs. On pourrait comparer cette paroi au "Cap Canaille" entre La Ciotat et Cassis : rocher particulier, verticalité, surplombs, etc. Sauf que contrairement à "Cap Canaille", là, on est droit au dessus de la mer et c'est deux fois plus haut !

Cependant, pour affiner les cotations dans l'enchainement, il nous faudra retourner dans la voie, ou attendre l'avis des répétiteurs pour avoir une évaluation plus objective de la difficulté. Je pense qu'il faut que le premier de cordée soit à l'aise dans le 6c-7a pour pouvoir profiter de la voie pleinement. Les points sont judicieusement placés pour que l'escalade ne soit pas "terreur" et si le(les) second(s) de cordée sont bien dans le 6b, cela devrait ne pas poser de problèmes pour sortir la voie.


450 m, 11 longueurs, 6b obligatoire, 19 dégaines, rappel de 50 m
Equipée clé en main avec 185 goujons et plaquettes COEUR inox de diamètre 10 mm.
6 - 7h pour la voie, descente en rappel dans la voie en 1 h 30. Le dernier rappel est décalé de l’axe.
Ambiance extraordinaire, mais voie réservée à des grimpeurs ayant un gros vécu.

L1    5c+      11 pts     40m        
L2    6b        11 pts     40m
L3    6c        11 pts     45m        
L4    6c        16 pts     45m
L5    7a        14 pts     30m       
L6    7a        17 pts     45m
L7    7a        14 pts     30m        
L8    6c        19 pts     50m
L9    6b+      18 pts     50m        
L10  6b        14 pts     35m
L11  6b+      12 pts     25m

Approche : Par mer calme du port de Santiago, se faire déposer en Zodiac (20 minutes) sur la plage de galets au pied de la voie.
La falaise est située entre "Playa Masca" et "La Quebrada Juan Lopez".
Se faire déposer le soir pour bivouaquer.

Contact à Puerto de Santiago :
safaris.watersports
César Gonzales   tel : +34 602 475 480
safariswatersports@gmail.com         
facebook : safaris.watersports

 

Remerciements...

© Daniel du Lac - "Vuelo sin piloto" Tenerife

Je remercie particulièrement Luccio Devantay de m'avoir supporté jusqu'au bout dans tous les sens du terme. Et bien sûr un grand merci à Guy d'avoir imaginé une voie dans ces parois de "Los Gigantes" et de nous avoir convaincu de venir y tester les possibilités d'ouverture.

Aussi, cela ouvre de nouvelles perspectives pour d'autres lignes. Avis aux amateurs, mais si ont veut qu'il soit durable, le travail d'équipement est fastidieux.

 

Les dernières ouvertures de Daniel du Lac

  • 2009  paroie du Vidal au Verdon : Le Passage à Guy (240m, 8c, 9L)
  • 2010 sur Socotra/Yemen : Yalla Habibi (470m,  6B, A0/7b, 15L), Saharan (30m, 7a), Kefalek (170m, 7b, 5L)
  • 2011 à Getu River en chine : Pussayan (180m, 7a, 6L), 
    La voie du milieu (270m, 8c, 8L),  Capitain Hook (200m, 7b, 7L), 
  • 2012 à Piedra Parada Argentine : Donde esta Yolanda (30m 8c+)
  • 2013 à Chitibi, Turquie : A raki ri  (140m, 8b+, 5L)
  • 2015 à El Gigante Ténérife : Vuelo sin piloto, en hommage aux passagers du vol Germanwings 9525 du 24 mars 2015, (450m, 7a, 11L)

 

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