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Expédition: Le quatuor à cordes

L'automne dernier quatre jeunes alpinistes Français: Laurent Thévenot, Aurélien Vaissière, Antonin Cecchini et Symon Welfringer sont partis au Népal dans la vallée du Kumbhu. Les conditions très sèches ainsi qu'un anticyclone leurs ont permis d'ouvrir un nouvel itinéraire sur le Lobuche east 6119m. Récit de leur première expédition "dans la cour des grands".

18 Mars 2019

Alpinisme

En ce 7 octobre 2018, nous embarquons dans un petit coucou en direction de Lukla, village seulement accessible à pied ou par voie aérienne.

Cette étape marque le départ de 5 journées de trek en direction du camp de base, nous marchons à raison de 3 à 5h par jours accompagnés de nos porteurs bien chargés. Nous avons fait le choix de porter le strict minimum pendant cette première phase de l’expédition pour optimiser au mieux notre acclimatation. L’altitude est clairement le paramètre le plus excitant dans ce voyage mais également le plus impressionnant. Deux membres de l’équipe n’ont jamais exploré la haute altitude, et pour les deux autres, les précédentes expériences sont mitigées. Nous établissons le camp de base à Dzongla, situé au pied de notre objectif premier, la face nord du Cholatse.

 

Trekking d'acclimatation entouré des plus hauts sommets de la planète.
 

Pour parfaire notre acclimatation, nous nous engageons sur les pentes de la voie normale du Lobuche. Nous respectons les conseils que nous avons eu, monter maximum de 300 à 400m de dénivelé par jours. La montée est peu technique, la principale difficulté étant le poids de nos sacs. Nous avons essayé d’être le plus léger possible, mais sans lésiner sur le confort. Nos journées sont essentiellement remplies de lectures et siestes ponctuées de repas alléchants.

        Prêts physiquement et mentalement, nous pouvions nous pencher vers des projets plus ambitieux. Dans un premier temps, nous voulions gravir la face nord du Cholatse mais les conditions dans le Khumbu cette année sont très mauvaises pour les itinéraires en face nord à cette altitude, la mousson a été quasi inexistante et les faces sont restées très sèches.

 

Acclimatation sur la voie normale du Lobuche East 6119m.
 

Nous partons donc à la recherche d’un nouvel objectif. Au camp de base, nous sommes entourés de montagnes, les possibilités sont multiples, après plusieurs journées de discussions et d’observations aux jumelles, nous avons trouvé notre nouvelle destination.

Nous évoluons lentement, chargés comme des mules, pour aller bivouaquer au pied de la face sud-ouest du Lobuche East. Les observations effectuées à la jumelle et au drone nous donnent une idée très précise de la voie que nous voulons suivre le long de ce pilier.

Le réveil sonne dans le silence, il est 4h. Nos premiers pas sur cette montagne se feront de nuit. Nous naviguons le long de pierriers ponctués de ressauts rocheux pour atteindre la base du pilier et commencer réellement l’escalade. Les longueurs s’enchainent, le rocher est compact et d’excellente qualité avec ce granite qui donne un air de Chamonix. Le soleil sort et nous pouvons enlever les gants. Nous alternons les longueurs entre nous en nous frayant un chemin à travers ce labyrinthe de dièdres. Heureusement nous avons bien repéré l’itinéraire les jours précédents. Nous sommes assez en avance sur l’horaire pour le bivouac et profitons pour escalader des fissures raides et magnifiques plutôt que de monter au plus facile. Les longueurs restent d’une difficulté modeste en alternant entre le 4/5 mais les sacs à dos lourds, les grosses chaussures d’alpinisme et l’altitude nous prennent d’avantage d’énergie. Un 6a en fine fissure pour atteindre le sommet de la dernière tour finira cette journée en beauté.

 

Progression au fil de l'arête, parfois aérienne.
 

Nous atteignons l’emplacement de bivouac prévu un peu avant la nuit, le temps d’admirer les dernières lueurs du jour sur les plus hautes montagnes du monde et de regarder la suite pour le lendemain.

        La nuit fut bonne mais le froid est là et s’empressent de nous cueillir de bon matin, il faut s’activer. Dès la seconde longueur après le bivouac, nous sommes au pied d’une longueur complexe. Une dalle presque verticale sans fissures apparentes. Mais une fois allégé de son sac Symon ne fait qu’une bouchée de ce 6b en dalle à friction. Pas de perte de temps inutile les autres suivront au Basic sur une des cordes qu’il a fixé. La suite s’annonce encore dure car un gros toit nous barre désormais la route. Symon continue sa lancée pour cette longueur d’artif qui zigzague entre ces gros toits. Il cotera cette longueur A2. Nous le suivons en remontant les cordes avec le matériel. La suite déroule mieux, on retrouve des longueurs de traversées similaires à la veille dans le 5 qui nous permettent de rejoindre le bord du glacier. Il est désormais temps de sortir piolets et crampons et c’est Aurélien qui négocie cette grande longueur de M5 qui nous permet d’accéder aux pentes de neige sommitales.

« Je suis au bout aujourd’hui : nauséeux, pas de force, je traine la patte et reste en voiture balai derrière les copains qui avalent les longueurs devant à vitesse grand V. Heureusement qu’ils sont là ! Bon sang pourquoi c’est moi qui est à la traine ?! Au final est ce que je la mérite vraiment cette ascension ? Cette phrase tourne en boucle dans ma tête. Je gamberge assis tout seul sur ma plateforme en faisant dérouler la corde de mon leader.

Une fois celle-ci tendue, je la suis machinalement jusqu’au relais suivant. Aurélien au relais suivant me tend la gamelle du Reactor : une soupe que je bois en éclair. Je m’aperçois que je n’ai pas bu depuis ce matin. Nous quittons le mixte pour attaquer les pentes sommitales. Symon me tire et pour la première fois du séjour je le vois ralentir et parfois peiner à brocher.

Symon :”Les mille premiers mètres de la face sud-ouest du Lobuche se dérobent sous mes pieds, tous les mètres je tente de poser une broche à glace, en vain. J’ai l’impression de visser ma protection à même le rocher. Ce n’est en aucun cas la qualité de la glace qui fait défaut, c’est mon état physique, après ces deux journées interminables d’escalade, il refuse d’en donner plus. 40 mètres au-dessus de ma dernière protection, je peine à remonter la pente de neige sommitale …”

Les forces me reviennent au fur et à mesure de la longueur et décide de reprendre la tête. Une lumière de fin journée nous accompagne le long de ces pentes de glace et je m’aperçois enfin de l’environnement qui nous entoure, c’est grandiose. Une heure plus tard nous sommes au sommet, heureux de partager ce moment ensemble.»

Une petite course d’arête nous sépare du “false summit” puis nous retrouvons les cordes de la voie normale puis le lodge dans la vallée.

 

Sortie en mixte pour rejoindre les pentes sommitales à la lueur de la nuit.   
 

Au lendemain de cette belle réalisation, manger et dormir ont rempli l’essentiel de nos journées. Il est temps désormais de rentrer. Quelques jours de treks et nous voilà de retour à Katmandu.

Ce mois de voyage a été une expérience unique, partager tous ces moments à quatre a décuplé les plaisirs. Cette belle entente nous motive à repartir pour aller voir ce qu’il se passe un peu plus haut.

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